« Un peu de science éloigne de Dieu, mais beaucoup y ramène »
Louis Pasteur (lui-même inspiré de Francis Bacon :
« Un peu de foi éloigne de Dieu, beaucoup de science y ramène »)
Introduction
Dans le film Contact (1997) Robert Zemeckis et Carl Sagan lancent l'humanité sur les traces d'une vie extra-terrestre... qui pourrait être Dieu. Ils mettent en scène 4 personnages qui résument le lien entre science et foi : le directeur de la Sécurité Nationale Michael Kitz (James Wood) affirme que « ce qui n'est pas démontré est faux » ; l'astronome Eléonor Arroway (Jodie Foster) dit qu'elle a « besoin de preuves pour croire » : le théologien Palmer Joss (Matthew Mc Canaughey) associe sa foi et la science car elles « sont en quête de vérité » ; enfin le fondamentaliste Richard Rank (Rob Low) assène « Je ne veux pas de la science comme Dieu ! ». Le film traite des rapports entre science et religion dont on pourrait supposer qu'ils seraient exclusifs l'un de l'autre (Kitz vs Rank) mais dont dont on se rend compte qu'ils convergent (Elie & Palmer), de facto, vers la recherche de réponses à nombre de questions métaphysiques.
S'il n'y a que très peu de films explorant une religion précise, le cinéma de Sf traite est imprégné de religiosité et de spiritualité. On peut même dire qu'il est hanté par les questions religieuses : le bien / le mal ; l'au-delà ; la création ; le divin ; etc.
Nous verrons d'abord que le cinéma de Sf baigne dans la religiosité et la spiritualité ; puis qu'il est en quête, lui aussi, de réponses ; enfin qu'il peut, à son tour, créer du religieux ou du spirituel.
Introduction
Les films de Sf contiennent quasiment toujours des sous-textes religieux, le plus souvent judéo-chrétiens, explicites ou cachés, formant ainsi une cadre de références communes et familières... mais les auteurs recyclent aussi abondement des références religieuses, mystiques et mythologiques multiples, ce qui aboutit bien souvent à façonner un bazar spirituel au mieux fascinant, au pire, grotesque.
A) Etude de cas : messianisme et cinéma de Sf
Introduction
Le messianisme est un concept partagé par de nombreuses religions, du christianisme bien sûr, à l'Islam, en passant par le Judaisme, le Bouddhisme ou l'Hindouisme. Le cinéma de Sf s'est souvent emparé de la figure du Messie pour en donner les attributs, le plus souvent christiques, à des héros salvateurs.
1- Similitudes de récits
« C'est l'histoire d'un jeune homme, différent des autres à qui des prophéties prédisent un destin miraculeux, qu'il ne réalisera qu'au prix de souffrance et sacrifice »... Cela vous dit quelque chose ? Est-ce ?
(1) Alors qu'Elie affirme avoir vécu une expérience de 18 heures, les observateurs eux, n'ont mesuré qu'à peine une seconde... Elie ment ou affabule ? En fait la caméra embarquée d'Elie a enregistré des parasites certes, mais pour une durée effectivement de 18 heures !
(2) Au pré-générique un Ingénieur, géant laiteux, avec en fond un paysage de lande Islandaise déserte et un immense vaisseau spatial, se suicide avec un liquide noir, permettant à son ADN de se répandre sur la Terre ainsi ensemencée pour engendrer l'espèce humaine.
(3) La citation complète : « Final report of the vessel Prometheus. This ship and her entire crew are gone. If you're receiving this transmission, make no attempt to come to its point of origin. There's only death here now and I'm leaving it behind. It is New Year's Day, the year of our lord, 2094. My name is Elizabeth Shaw, last survivor of the Prometheus, and I'm still searching. ».
(4) Au mythe Prométéen Boyle surimpose le mythe d'Icare se brûlant les ailes face au Soleil.
(6) Lors d'une enquête menée en France en 1997, à la question « pensez-vous que le phénomène de la visite sur Terre d'extraterrestres existe ? », un quart des sondés répondait certainement ou probablement, la moitié rejetait catégoriquement l'idée et un autre quart rejetait l'idée, en émettant quelques doutes. Les sociologues y voient un effet de la perte d'influence des religions (judéo-chrétiennes au moins).
(5) Cette théorie fut popularisée en 1968 par Erich von Däniken et depuis 2009 par une série documentaire, Alien Theory. Elle repose en grande partie sur l'observation des "traces" du passage sur Terre des aliens comme les géoglyphes de Nasca ou les alignements mégalithiques ; elle repose aussi sur l'interprétation des références mystérieuses dans les textes religieux anciens.
(7) Dans la version américaine de l’édition DVD de Stargate, on découvre, dans les bonus, l’interview d'Erich von Däniken qui présente comme véridique la théorie des Anciens Astronautes. Source : Archéologies extraterrestres. Entretien de Louise Hervé et Chloé Maillet avec Wiktor STOCZKOWSKI à propos de Des hommes, des dieux et des extraterrestres. In Images Revues n°14 (2017) VOIR.
En fait, vous l'aurez aisément compris, cela correspond à tous ces personnages, dans des récits très similaires dans lesquels il est question de sauver l'humanité. Ne prenons que Néo (Keanu Reeves) dans la trilogie Matrix (Lana et Lily Wachowski, entre 1999 et 2003) : en écrivant cet article, au grès de mes recherches j'ai été frappé par le nombre impressionnant de sites Web religieux (chrétiens et philosophies orientales surtout) qui glosaient sur la dimension spirituelle de Matrix ! L'identification de Néo au Messie judéo-chrétien est aisé à percevoir par :
B) Cinéma de Sf et références judéo-chrétiennes
Rappelons-le : la science-fiction est née en Occident dans le contexte de progrès technologique et scientifique et de croissance économique dans une Europe et Amérique du Nord judéo-chrétienne. Dans l'étude de cas nous avons vu l'importance de la figure messianique (surtout christique) dans le cinéma de Sf. Ces références judéo-chrétiennes (sur)abondent :
Parfois le Messie est paradoxal, comme Anakin Skywalker / Dark Vador (Hayden Christensen – David Prowse). Il est l'élu (La menace fantôme, Georges Lucas, 1999) selon le maître Jedi Qui-Gon Jinn (Liam Neeson), mais sombrera du coté obscur de la force (La revanche des Siths, Georges Lucas, 2005) pour connaître une rédemption au coté de l'autre Messie de la saga, son fils Luke (Mark Hamill), au prix du sacrifice de sa vie (Le retour du Jedi, Richard Marquand, 1983). Son parcours lui fait réaliser la prophétie : il est bien l'Élu qui rétablit l'équilibre entre les côtés clair et obscur de la Force.
2- Similitudes de valeurs
Ces personnages messianiques portent des valeurs communes aux héros classiques du cinéma : détermination, bravoure, abnégation, etc. Mais ils ont aussi une dimension quasi religieuse en partageant des valeurs qui sont au cœur des Evangiles : la solidarité, le sens de la communauté, le don de soi. Ils savent aussi donner un sens à la vie des autres. Prenons l'exemple d'un Messie non-humain, mais tout aussi salvateur, E.T. (Steven Spielberg, 1982) : il descend du ciel sur Terre ; il souffre et meurt ; il ressuscite pour remonter dans les cieux... tiens, tiens ! Mais entre temps E.T. aura apporté amour, compassion réconfort et force à Elliot (Henry Thomas), bouleversé par le divorce de ses parents, à sa famille et à ses amis... re-tiens, tiens !
C'est également le cas, sur un ton plus humoristique, de Corben Dallas (Bruce Willis) qui retrouvera un sens à sa vie auprès de l'Elue, Liloo (Mila Jovovich) dans Le cinquième élément (Luc Besson, 1997).
Conclusion
Ces héros messianiques possèdent donc la faculté d'incarner le divin et, s'ils sont parés d'attributs mystiques, c'est que le sous-texte religieux dans les films de Sf est omniprésent.
C-) Spiritualité
Si les références judéo-chrétiennes dominent on constate également que les emprunts à d'autres religions ou d'autres formes de spiritualité sont très nombreux. Analyse...
1- Spiritualité (de bazar ?)
Les films de Sf diversifient souvent leur cadre de références spirituelles, qui vont de la mythologie et religions antiques aux spiritualités orientales et au mysticisme. Prenons 5 exemples connus :
Mais attention, l'abondance de ces références ne signifient en rien que ces films soient imprégnés de religiosité ni que les réalisateurs aient un quelconque message religieux à faire passer... nous le développerons plus loin.
Introduction
Par sa nature même la science-fiction est l'outil idéal pour interroger des sujets complexes. Elle joue sur sa capacité à créer des cadres narratifs propices à donner intérêt et cohérence à des sujets qui mobilisent aussi bien la science que la religion. Si cette fonction quasi introspective s'est épanouie dans la littérature, le cinéma n'est pas en reste. Analyse...
A) Etude de cas : 2 scientifiques face à la religion
Les docteures Eleanor Ann 'Elie' Arroway (Jodie Foster) et Elizabeth Shaw (Noomie Rapace) sont 2 scientifiques confrontées au divin, la première dans Contact de Robert Zemeckis (1997) et la seconde dans Prometheus de Ridley Scott (2012). Que nous apprennent ces 2 figures sur la relation entre la science et la foi ?
1- Elie Arroway, « J'ai besoin de preuves pour croire »
Contact évoque la première rencontre entre l'humanité et une civilisation extraterrestre. Ce premier contact exige une sorte de saut dans l'inconnu (au travers d'une machine dont les extraterrestres ont transmis les plans) qui met la science et les croyances humaines à rude épreuve.
Elie Arroway est une scientifique passionnée depuis son enfance ; elle croit en la science et proclame un athéisme non-militant et plutôt ouvert. Elle incarne une figure scientifique confrontée à 3 conceptions du « croire » :
2- Spiritualité mais pas religiosité
En fait, les films de Sf utilisent les références religieuses plus pour créer des connivences avec le spectateur que pour, réellement, infuser de la religiosité. Le plus bel exemple semble être l'univers Star Wars. Georges Lucas, répondant à une question du Time sur la religion expliqua : « I don't see Star Wars as profoundly religious. I see Star Wars as taking all the issues that religion represents and trying to distil them down into a more modem and easily accessible construct – that there is a greater mystery out there. When I was ten years old I asked my mother, I said, Well, if there is only one God, why are there so many religions? And over the years I have been pondering that question ever since. And it would seem to me that the conclusion I have come to is that all of the religions are true; they just see a different part of the elephant... » (Interview de G. Lucas par Bill Moyers, avril 1999)
Bien sûr, et nous l'avons vu plus haut, les histoires personnelles de Luke et d'Anakin sont imprégnées de judéo-christianisme mais l'univers Star Wars est plutôt spirituel, un syncrétisme assumé, et n'est que métaphoriquement religieux. Ainsi c'est au travers de la métaphore que le concept de Force interroge sur les notions de Bien et de Mal. La Force est mystérieuse et un brin magique dans la trilogie originale (dans L'Empire contre-attaque, Yoda dit à Luke, sur la planète Dagobah : « Feel the Force around you : here, between you, me, the tree, the rock, everywhere ! ») puis, dans la 2nde trilogie, elle devient « scientifique » sous la forme d'un organisme microscopique (les midi-chloriens) affectant les être avec plus ou moins d'intensité. De même les Jedi s'apparentent à des moines guerriers plus proches des samouraïs ou des moines Shaolin que des Ordres combattants de la chrétienté Médiévale. On peut, éventuellement, prendre pour preuve de cette assertion le fait que Star Wars ait été apprécié par toutes les religions constituées (sauf les fondamentalistes) car chacun y voit quelque chose de sa propre croyance et une porte d'entrée dans sa propre religion : Star Wars, histoire et spiritualité universelles !
ARTICLES et OUVRAGES
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KLEIN, Gérard. Science-fiction et théologie. In revue Quarante-Deux (1967) : VOIR.
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Science-fiction et fin du monde : l’apocalypse et les usages partiels du genre : compte-rendu par Irène Langlet de 3 ouvrages portant sur les fins du monde en Sf : VOIR.
ECOUTER
Des Aliens et des hommes. In La méthode scientifique sur France-Culture, émission de Nicolas Martin. Novembre 2020 : ECOUTER.
Débat Science-fiction et religion : Danielle MARTINIGOL et Luc DELISSE In La nuit de la Sf à Oullins : ECOUTER.
A PROPOS DES FILMS CITES
La théorie des anciens astronautes sur senscritique : VOIR.
Sur la Wikipedia : Les thèmes traités dans Avatar : VOIR.
BOISSE, Serge. La philosophie d'Avatar. Sur son blog : VOIR.
GRAVETT, Sharon L. The sacred and the profane : examinig the religious subtext of Blade Runner : VOIR.
Wikipedia, sur la fiche du film, la partie symbolisme religieux : VOIR.
Critique sur Nanarland : VOIR.
Ces films vous prouvent que la science-fiction est très liée aux problèmes qui affectent le monde réel. Sur DailyGeekShow : VOIR.
Une analyse 'catholique' : VOIR.
STONE, Bryan. Religious faith and science in Contact. Université théologique de Boston : VOIR.
Une critique sur Senscritique : VOIR.
AUGE, Etienne. Cinquante ans après sa sortie, il est temps de (re)lire «Dune». Sur Slate.fr : VOIR.
Une critique sur le blog Cinémachoc : VOIR.
MIMOUNI, Sébastien, une critique sur DvDClassik : VOIR.
Une critique par Vania CHOKROLLAH sur Zone Critique : VOIR.
Une critique par Nathan LETORE sur le blog Débordements : VOIR.
Une critique sur Cinémachoc : VOIR.
Une critique sur le blog A voir et manger : VOIR.
Une autre sur le blog Strange Movie : VOIR.
BRIEL, Patricia. «Matrix», décodage religieux d'un film culte. Site du quotidien suisse, Le temps : VOIR.
8 éléments de l’univers de Matrix décryptés à travers la mythologie de la saga. Sur le site Dailygeekshow : VOIR.
Un diaporama sur Matrix et la religion : VOIR.
LELOUP, Damien et AUDUREAU, William. Comment « Matrix » a fait passer la pilule du complotisme. Le Monde, mars 2019 : VOIR.
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BEAUNIEU, Xavier. Prometheus : comment mélanger Science-fiction et métaphysique ? Sur le blog Caminteresse : VOIR.
Prométheus ou la foi et la science réconciliées. Sur ResFuturae : VOIR.
Une critique par RIGAUD, Antoine sur le site Devidead : VOIR.
Une critique sur DvdClassik : VOIR.
Une analyse (en anglais) : VOIR.
WESSBECHER, Louise. "The Handmaid's Tale" : tout le monde a oublié ce film sorti en 1990. Sur le Huff'Post : VOIR.
Sur la Wikipedia : VOIR.
Une critique de Superman Returns par HOSPYAN, Robert sur le blog Filmdeculte : VOIR.
Superman le Messie des temps modernes, sur le blog de David Tate, un américain fervent chrétien : VOIR.
Une critique : VOIR.
Un article des Inrokcs : VOIR.
Conclusion
Le cinéma de Sf, imprégné de son / ses époques, en reflète les composantes culturelles, bien plus que cultuels. Il fait se rejoindre la science et la croyance dans un but commun de recherche de réponses aux questions métaphysiques que se pose l'humanité et, plus prosaïquement, le spectateur.
B) Science et religion dans le cinéma de Sf
La question des relations en science et religion est un des sujets de philosophie majeur (les bacheliers ont de fortes chances d'y avoir été confronté, peut-être avec douleur comme moi !?). Le cinéma de Sf s'y est attelé sous de multiples formes. Après avoir vu que les relations ne sont pas forcément antinomiques, nous traiterons de 2 thèmes, la rencontre avec Dieu et l'homme se prenant / devenant Dieu.
1- Des relations pas si antinomiques que cela...
Jusqu’aux années 90, la science-fiction a surtout montré sa méfiance vis à vis de la religion en en faisant souvent un instrument de pouvoir liberticide et totalitaire, prenant ses modèles dans l'histoire noire du christianisme : Inquisition, dogmatisme et intolérance. C'est vrai pour la littérature... un peu moins pour le cinéma. On trouve quelques films très sombres sur une religion obscurantiste à l'image du modèle absolu de la dystopie religieuse qu'est La servante écarlate de Margaret Atwood, dont la République de Gilead est le modèle absolu de la dystopie religieuse. Volker Schlöndorff en fit un film en 1990, mais, curieusement, il lui donna une fin heureuse !?
On peut évoquer le film d'Alexéi Guerman, Il est difficle d'être un dieu (2014, d'après le roman des frères Strougatski de 1964 et après un médiocre Un dieu rebelle de Peter Fleischmann en 1989) et sa peinture terrifiante d'un Moyen-Age obscurantiste sur la planète Arkanar. Eventuellement aussi Zardoz (John Boorman, 1974) dans lequel les Éternels, un groupe d’humains immortels, utilisent la religion (le culte de Zardoz) comme outil d'oppression jusqu'à ce que Z (Sean Connery) ne le détruise et ne leur apporte le cadeau de la mortalité.
Mais le cinéma de Sf n'a que très rarement mis en scène soit un athéisme militant, soit un scientisme aveugle, soit un fondamentaliste absolu, se contentant bien souvent de truffer les films d'une religiosité banale. Ainsi les films du cinéma de Sf américain des années 40-60 associent liberté et judéo-christianisme face au totalitarisme athée métaphorisé par des monstres ou des envahisseurs diaboliques. Prenons La guerre des mondes (Byron Haskin, 1953) : les armes et la science échouent à repousser l'invasion martienne et le salut viendra de Dieu. Tout au long du film les églises sont le principal refuge (à la fin du film une scène de prière collective dans une cathédrale en est le point d'orgue) et si le pasteur Mattew (Lewis Martin) échoue lui-aussi, Dieu et la Providence châtieront les envahisseurs.
Le personnage d'Elie vit l'expérience de ce fameux premier contact qui semble donc l'occasion de trancher entre science et religion. En fait le film de tranche pas, voire même il introduit une dose de mysticisme et de doute. Elie de retour de son expérience peine à prouver ce qu'elle a vécu, la mettant ainsi, dans un retournement malicieux, dans la peau du croyant bien en peine de prouver quoique ce soit ! De plus elle-même paraît ébranlée dans ses convictions, elle dira : « J’ai eu cette expérience, je ne peux pas le prouver [...] tout ce que je suis m’affirme que c’était réel. Il m’a été donné quelque chose de merveilleux, quelque chose qui m’a changée pour toujours. {...] Une vision qui nous dit que nous appartenons à quelque chose qui est plus grand que nous même et que nous ne sommes pas, qu’aucun de nous n’est seul ! ». La foi écrase la science ? Heureusement le twist final réintroduit la science !(1).
2- Shaw, « .. et je cherche toujours »
Prometheus est le premier des deux préquels d'Alien (suivra Alien, Covenant toujours de Ridley Scott en 2017). L'histoire : le vaisseau Prométheus embarque une expédition sur les traces (laissées sur Terre sous la forme de dessins) des Ingénieurs, des extraterrestres ayant créé l'espèce humaine : tel le Prométhée antique l'équipage va défier ses créateurs(2)
Elizabeth Shaw est archéologue, c'est elle qui a co-découvert les fameuses traces du passage extraterrestre. Elle est membre de l'expédition financée par la société Weyland. Elle a la particularité d’être à la fois une scientifique et une croyante fervente (un crucifie à son cou l'atteste en permanence) ; elle tente de concilier, tant bien que mal, science et foi au travers de la théorie des Anciens Astronautes (que nous développerons plus tard) et de la dialectique création / évolution :
La scientifique Elizabeth se transforme même un personnage biblique car enceinte (d'un monstre alien bien sûr), malgré une stérilité prouvée, elle s'auto-avorte... durant la nuit de Noël, portant alors sur son flanc une blessure qui n'est pas sans rappeler le stigmate du coup de lance du Christ en croix !!!
Seule survivante de l'expédition ses derniers mots seront pour mettre en garde et exprimer sa déception de ne pas avoir trouvé de réponse : « Je cherche toujours ».(3)
3- Science et foi
Ces 2 scientifiques sont d'abord des femmes fortes, figure d'un féminisme moderne : leur mission est un combat : un combat sociétal contre un milieu masculin étouffant pour Arroway ; un combat physique contre les créatures xénomorphes pour Shaw.
En confrontant ces 2 figures scientifique aux questions métaphysiques de l'unicité et de l'origine de l'espèce humaine les 2 films tentent un approche conciliatrice. En effet, dans les 2 cas on évite soigneusement de confronter les révélations sur l'origine de l'homme et sur Dieu avec une lecture littérale stricte des textes bibliques fondateurs. Ce qui est privilégié est une interprétation symbolique voire allégorique des textes. En ce sens Arroway et Shaw facilitent une exégèse moderne et arrivent à concilier (plus ou moins) foi et science. Or cette approche semble être une constante dans le cinéma de Sf lorsqu'il traite de questions religieuses.
2- La science à la rencontre de Dieu et du divin
La rencontre avec Dieu est un trope fort du cinéma de Sf, en particulier en liaison avec la thématiques des extraterrestres. Quand le divin rejoint l'extraterrestre c'est sur 3 thèmes :
Mais force est de constater que le cinéma ne s'est guère emparé de cette thématique, en tout cas bien plus pauvrement que la littérature de Sf : se reporter, par exemple, à la typologie en 13 conjectures à contenus religieux de Jean-Bruno Renard dans Religion, Science-Fiction et Extraterrestres. De la littérature à la croyance. C'est page 146):
Paul Atreides (Kyle MacLachlan)
Néo (Keanu Reeves)
Peter Parker (Tobey Maguire)
Starman (Jeff Bridges)
Le Christ (Jésus de Nazareth)
Clark Kent (Christopher Reeve)
P$Kevin Flynn (Jeff Bridges)
Luke Skywalker (Marc Hamill)
Allelujah ! You’re my savior .../...
Résurrection...
Palmer et Arroway, science et foi (en VO).
Le pasteur Mattew (La guerre des mondes (1953)
C) L'homme dieu
L'homme devenant lui même divinité a été traité, dans le cinéma de Sf, au travers de 2 thématiques : celle de l'homme qui se prend pour un Dieu et celle de l'homme paré des pouvoirs d'un dieu.
1- L'homme se prend pour Dieu... et il est bien puni
« Vous êtes mon créateur mais je suis votre maître » dit le monstre à Victor Frankenstein : le syndrome de Frankenstein (d'après, bien sûr, le roman de Mary Shelley, 1818) c'est la crainte de voir les créations humaines se retourner contre l’humanité. Il est très présent dans le cinéma de Sf... 2 exemples :
C'est surtout le thème de la Machine et de l'IA qui regorge le plus de référence à l'Ubris de l'homme... Dans La Réponse (nouvelle de 1954) Frédric Brown faisait dire à un super-ordinateur, nouvellement conçu et mis en service, alors qu'il était interrogé sur l'existence de Dieu, “ Oui, MAINTENANT il y a un Dieu ”, avant de foudroyer son interlocuteur et de sceller à jamais le bouton on/off. Ne prenons que 2 exemples :
2- L'homme est un Dieu... enfin, presque...
Superman
Le super-héros est, par bien des cotés, une métaphore de la divinité. Superman en est le meilleur exemple car tout concours à faire de ce personnage un Dieu (judéo-chrétien s'entend) :
Les réalisateurs se sont souvent attachés à des représentations symbolique christiques qui culminent avec l'affiche du 4° film (voir plus haut). Mais la divinisation a ses limites car derrière Superman il se trouve Clark Kent, un humain maladroit et timide, et, même paré de son costume héroïque, des failles sont dévoilées au fil des films. Loïs Lane (Kate Bosworth) dans Superman Returns pose la question (qui lui vaudra un Pulitzer) : l'humanité a-t-elle besoin de Superman ? A laquelle elle répondra en fin de film par une affirmation, Pourquoi l'humanité a besoin de Superman. La question et la réponse s'inscrivent dans le champs du spirituel.
Le mythe prométhéen
Le mythe Prométhéen est souvent convoqué pour confronter l'homme à la divinité. Dans Sunshine (Danny Boyle, 2007) le vaisseau spatial Icarus II(4) est envoyé à la surface du soleil mourant pour le ré-animer à l'aide d'une charge thermonucléaire colossale et, tel Prométhée les membres de l'expédition payeront très cher ce défi au soleil-dieu. Le scientifique Capa (Celian Murphy) le chef de l'expédition se confronte à Pimbaker (Mark Strong) un protagoniste devenu un fou de Dieu, incarnant le pire fondamentalisme religieux.
Conclusion
Finalement le cinéma de Sf n'apporte pas réellement de réponses : d'abord parce qu'il ne les a pas (et ne veut pas les avoir) ; ensuite parce qu'il se doit à une certaine universalité ; enfin parce qu'il excelle avant tout à poser les questions (plutôt qu'y répondre) en mettant en scène des personnages (archétypaux) auxquels nous, les spectateurs, pouvons nous identifier.
Mais n'y aurait-il pas un cinéma de Sf religieusement engagé ?
Introduction
Nous avons vu que la religion et la spiritualité imprégnaient largement le cinéma de Sf... mais ce cinéma pourrait-il être producteur de mythes, voire de religion ?
A) Etude de cas : la pseudo-théorie des Anciens Astronautes au cinéma
Si les sous-textes chrétiens ou issus des philosophies orientales forment un substrat riche pour le cinéma de Sf, celui-ci s'est aussi emparé de théories pseudo-scientifiques : dessein intelligent ; cosmologies créationnistes ; etc. Jusqu'à flirter dangereusement avec le complotisme. La plus célèbres et la plus mise en scène est la théorie dîtes des Anciens Astronautes.
1- Qu'est-ce que la théorie des Anciens Astronautes ?
Il s'agit d'une spéculation pseudo-scientifique et ufologique selon laquelle des anciennes civilisations auraient été en contact avec des « visiteurs » extraterrestres venus apporter sur la Terre le savoir ou, mieux, seraient à l'origine de l'humanité(5). Cette pseudo théorie possède un potentiel cinématographique qui n'a pas échappé à nombre de réalisateurs et scénaristes pour traiter bien sûr de la vie extraterrestre mais aussi, et surtout, des liens entre croyance et science.
2- La théorie au cinéma
Parmi les films les plus célèbres (voir une liste plus complète sur la Wikipedia ou sur Senscritique on en retiendra quatre :
3- Sf, croyances et imposture
On peut alors se poser 2 questions : pourquoi un tel succès ? Ces films contribuent-ils à entretenir et répandre cette pseudo-théorie ?
Le succès s'explique par l'enracinement totalement irrationnel de cette croyance dans une vision cohérente du monde chez pas mal de personnes(6). Alors, introduire la théorie des Anciens Astronautes dans les films de Sf, est-ce que cela contribue à en accréditer la véracité ? Vieille question (l'impact des écrans sur nos vie et nos pensées) quasi insoluble. Ridley Scott déclarait au Figaro, en mai 2012 : « […] Erich Von Däniken a inspiré beaucoup de monde, à l'époque, y compris Kubrick. En 1968 son livre Présence des extraterrestres (Chariot of the Gods) est devenu incroyablement populaire. Il y exposait la «théorie des Anciens Astronautes», selon laquelle des extraterrestres ont influencé l'humanité depuis la préhistoire. […] Le livre d'Erich Von Däniken a également lancé la croyance populaire selon laquelle nous ne sommes pas seuls dans l'univers. Cette idée même est terrifiante, non ? Aujourd'hui, les scientifiques reconnaissent d'ailleurs que c'est vrai. Heureusement! Penser que nous sommes les seuls dans l'univers est d'une telle arrogance… Cela n'a pas de sens. » Cette déclaration illustre la façon dont un film et son, mondialement connu, réalisateur peuvent influer sur son public : Scott ne déclare pas adhérer à la théorie mais il expose des questions pertinentes sur l'existence de la vie extraterrestre... tout en apportant un élément de réponse pseudo-scientifique au travers de cette théorie.(7)
On voit donc qu'il se crée, autour de cette pseudo théorie une sorte de brouillard d'incertitude que le cinéma, par sa puissance évocatrice, contribue à entretenir. Un exemple assez récent le montre : en novembre 2020, dans le désert d'Utah aux Etats-Unis un mystérieux monolithe de métal rappelant celui de 2001, l'Odyssée de l'espace, est filmé. Il s'agit probablement d'un hommage malicieux au sculpteur américain John McCracken (décédé en 2011). Si les autorités locales ont pris cela avec beaucoup d'humour et de détachement il est intéressant de voir comment les média en ont rendu compte : si l'hypothèse d'une œuvre de Land Art est mentionné, ainsi que l'hommage à Kubrick, on constate que systématiquement une ombre de doute quant à son origine est entretenu :
Pour créer spectacle et audience les auteurs de films de Sf portent les interrogations métaphysiques qui nous traversent, c'est louable, mais quand ces interrogations sont solutionnées par des théories pseudo-scientifiques ça peut inquiéter non ?
B) Une Sf religieuse ?
1- Pas de films de Sf religieux
Sur un site catholique et royaliste un auteur estimait que « Le genre (la science-fiction) est à reconquérir, et une œuvre de science-fiction profondément catholique permettrait de fournir des éléments de prospectives véritablement intéressantes car ancrées dans la réalité et la foi et non pas fondées sur des idéalismes et des mensonges anthropologiques ». A l'en croire un Sf religieuse n'existe pas et le genre est à investir en terme de prosélytisme...
A ma connaissance il n'y a pas de films de Sf ouvertement prosélyte, du moins en faveur des grandes religions du Livre. Dans le curieux Red Planet Mars (Harry Horner, 1952) on découvre qu'une conspiration fascisto-communiste est déjouée par 2 scientifiques américains aidés par... une intervention directe de Dieu ! Ce complot déjoué conduira à l'anéantissement du régime soviétique qui cède la place à un nouveau Tsar. Ce film étonnant concentre à un degré inégalé la paranoïa anticommuniste et l'hystérie religieuse de l'époque. En effet, dans la seconde partie du film entre réellement en scène l'épouse (Andrea King) du scientifique (Peter Graves), une protestante fervente, qui pousse son époux à déjouer la conspiration maléfique (les dirigeants communistes affament et tuent ; l'espion nazi qui les appuie a même fait de Satan son héros !). D'ailleurs pour enfoncer le clou le traditionnel Fin de l'image finale devient Le commencement (… d'une nouvelle ère chrétienne puisque le nouveau dirigeant de la Russie après l'effondrement du communisme est un pope qui se pare du titre de Tsar !).
L'exemple précédent ne vaut pas généralisation, mais on peut, à propos de certains films, se poser la question du message religieux explicite. Par exemple avec Le livre d'Eli (Albert et Allen Hughes, 2010) dont la métaphore très appuyée sur le salut de l'humanité qui viendra des Ecritures laisse songeur(8).
2- Des « religions » issues de la Sf
Le cinéma de Sf a pu engendrer des « religions » ou du moins de pseudo-religions. On évoquera le cas le plus célèbre, celui de Ron Hubbard et de la scientologie, aisn que les fiction-based religions.
Dianétique et scientologie
D'abord fondateur de la dianétique au début des années 50 l'auteur de Sf Ron Hubbard annonce la naissance d'une « philosophie religieuse appliquée » en 1955 avec l'église de la scientologie, reconnue officiellement aux Etats-Unis depuis 1993. Or Ron Hubbard a écrit 2 sagas de Sf, Mission Terre et Battlefield Earth... cette dernière a été adaptée au cinéma en 2000 par Roger Christian, avec John Travolta (scientologue revendiqué) comme acteur et producteur. Porté donc par Travolta(9) ce film est avant tout un accident industriel cinématographique (8 « récompenses » aux Razzie Awards), mais est-il une œuvre de scientologie ? Si rien n'est prouvé, certains indices laissent supposer que oui et, parmi ces indices, on peut mettre en avant le fait que le combat des humains contre les envahisseurs Psychlos renvoie, de manière à peine déguisée, à l'hostilité féroce de Hubbard vis à vis des psychologues et psychiatres.
Les fiction-based religions
Respectivement en 2001 et en 2004 deux « religions » naissent à partir de films : le Jediisme issu de l'univers Star Wars et le Matrixisme, issu de la trilogie Matrix. Dans les 2 cas le mouvement est ultraminoritaire, éphémère et ne revendique pas la reconnaissance 'officielle' du statut de religion (à la différence du pastafarisme par exemple). Par contre on trouve une volonté d'exister et d'être pris en compte(10), surtout auprès des jeunes générations qui ont pu percevoir un aspect initiatique dans le film(11). Selon Carole Cusack (cf. bibliographie) c'est la preuve qu'un récit puissant et partagé excite l'imagination et va au-delà de l'état de fan pour conduire des gens à se regrouper non pas dans un réelle croyance mais pour "voir si cela peut fonctionner"...
3- Un cinéma qui se nourrit du mystère
En fait le cinéma de Sf adore se nourrir des grandes énigmes et des théories pseudo-scientifiques. Nous avons déjà parlé de la théorie des Anciens Astronautes ou du dessein intelligent, on peut également évoquer les crop circles (ou agroglyphes), par exemple dans Signes de M. Night Shyamalan (2002) dans lequel un pasteur (Mel Gibson) retrouve sa foi en affrontant une invasion d'extraterrestres annoncée justement par ces agroglyphes. C'est normal et "de bonne guerre" mais, plus que l'intentionnalité du réalisateur ou du scénariste, c'est la réception chez le spectateur qui peut poser question. L'un des exemples les plus célèbres est Matrix qui continue à nourrir l'imaginaire des sphères complotistes. Tout est contenu dans cette réplique de Morphéus à Néo : "Choisis la pilule bleue et tout s’arrête, après tu pourras faire de beaux rêves et penser ce que tu veux. Choisis la pilule rouge : tu restes au Pays des Merveilles et on descend avec le lapin blanc au fond du gouffre"(12).
Conclusion générale
A la date de rédaction de cet article sortait la série Raised by Wolves qui, après une apocalypse, oppose, sur une planète-refuge, 2 camps, les croyants Mithraic, et les rebelles athées. Malicieusement la série ne cède pas au manichéisme car, si le fanatisme religieux est dénoncé, l'athéisme subit son lôt de critiques. Mais ce qui est intéressant c'est que pour représenter cette lutte la série baigne malgré tout dans les références religieuses : Exode, Déluge, Arches, Adam et Eve, etc.
Cette série, à l'image des films de Sf évoqués dans cet article démontrent une sorte d'impasse : explicites ou implicites, les références religieuses infusent largement le cinéma de Sf. Disons à la décharge des cinéastes que les croyances ont eu des millénaires pour imprégner les cultures alors que la science détachée de la religion n'a que quelques petits siècles et que le cinéma de Sf, depuis le génial Georges Méliès, n'a eu qu'à peine plus d'un siècle, pour s'en affranchir !
(8) Le salut viendra de toutes les Ecritures puis qu’après avoir recopié la Bible récitée par cœur par Eli (Denzel Washington, portant ici le nom d'un prophète de l'Ancien Testament), le transcripteur la range au coté de la Torah et du Coran.
(10) Par exemple un mouvement né sur Internet au début des années 2000 incitait ses membres à indiquer « Jedi » comme réponse à la question du recensement sur la religion : VOIR.
(11) Dans un article du journal suiise Le Temps l'auteur parlait du film comme d'un « nouveau catéchisme des jeunes » en signalant qu'il était parfois projeté dans des séminaires catholiques !
(12) Voir, par exemple, le blog de ré-information Pilule rouge.