(1) Selon la Wikipedia , 10 des 15 plus gros succés mondiaux sont des films de Sf dont le 1er au box office, Avengers : Endgame des frères Russo en 2019.

(2) Pêle-mêle : Jeff Bridges dans True Grit des frères Cohen (2011) ; John Wayne dans 100 $ pour un shériff d'Henry Hattaway en 1969; Walter Brennan dans de nombreux films dont le mythique Rio Bravo de Howard Hawks en 1959 ; etc.

(3) Par exemple lorsque Russel Casse (Randy Quaid) se sacrifie en introduisant' son avion dans une sorte d'orifice du vaisseau géant... métaphore de la sodomie... arme de destruction massive ?

(4) Dans une pub des années 80, André Pousse répond à Guy Marchand qui s'étonnait de l'engouement populaire pour le PMU, « Va comprendre, Charles ».. Cela aurait pu être du  Audiard !

(5) Pour une analyse du contenu anti-militariste du film se reporter à notre article sur la guerre.

(6) Lire également l'article sur l'écologie et l'environnement au prisme des films de Sf.

(7) En savoir plus en lisant notre article sur les Etats-Unis au travers de son cinéma de Sf.

(8)  Le 1er film de Sf résolument scientifique semble avoir été Destination Lune ! d'Irvin Pinchel en 1950.

(9) Sur 2 441 personnages Marvel recensés depuis 1939, 402 sont de sexe féminin, soit environ 15%. Source : BOISSONNEAU, Mélanie. Enjeux de la super héroïne au cinéma. In Du héros aux super héros: mutations cinématographiques. FOREST, Claude (dir.). Presses Sorbonne nouvelle. 2009 -

(10) ENGELS, Antoine. Comme Captain Marvel, ces super-héroïnes de comics sont vraiment féministes. The Huffington Post, mars 2019.

(11) Certains critiques ont relevé une sexualisation plus forte de Wonder Woman dans Justice League (2017) car un homme, Josh Whedon, était aux manettes...

 

 

LA SF C'est des histoires de guerres contre des aliens hostiles menees par des mecs blancs, pour des mecs blancs...

 

 

 

Je suis noir, je suis borgne, je suis juif, ce n'est pas suffisant ?

Citation faussement attribuée à Sammy Davies Jr à laquelle il répondra : " il faut dire que c'est agréable d'être connu au point que les gens font des blagues sur vous, mais certaines sont nuisibles et insidieuses, et je les méprise. »

 

Introduction

Le science-fiction c'est des histoires qui se passent dans le futur avec des aliens agressifs, destinées avant tout à un public masculin d'initiés. Cette courte phrase (inventée) compile les clichés principaux sur la Sf (en voir certains sur le site AlloCiné). Il va sans dire (mais disons-le malgré tout) que tout est faux... Vraiment ? Enfin disons (ton embarrassé...) que la Sf ça n'est pas que cela.

Dans cet article nous allons nous intéresser aux clichés, préjugés, stéréotypes véhiculés par les films de science-fiction, car oui, ces films en véhiculent des palanquées ! Peut-être plus encore que les autres genres (?), mais en tout cas avec plus d'impact potentiel dans la mesure où les films de Sf constituent, depuis les années 90, les plus gros succès au box-office mondial(1).

Nous privilégierons 3 entrées :

  • quels sont les clichés véhiculés par les films de Sf au fil des 125 ans de son histoire ?
  • comment les films de Sf reflètent-ils les stéréotypes de genre ?
  • comment les films de Sf reflètent-ils les stéréotypes et les préjugés ethniques ?

 

Un peu de vocabulaire (d'après la Wikipedia) :

Stéréotype : une image habituellement admise et véhiculée d'un sujet dans un cadre de référence donné ; cette image peut être négative, positive ou autre, mais elle est souvent caricaturale. Le stéréotype peut aussi se définir comme la représentation simplifiée d’un groupe social aux yeux d’un autre groupe social. Le cinéma regorge de stéréotypes qu'il utilise mais également qu'il contribue à créer. Dans un film, l'usage de stéréotypes est commode pour faciliter l'identification du spectateur avec une économie de discours.

  • Idée reçue : une opinion aisément admise car répandue, jugée évidente, agréable à entendre, parfois même amusante. Elle est souvent fausse (d'où l'expression « combattre les idées reçues ») mais si communément admise qu'elle est difficile à contrer.
  • Cliché : emploi d'une expression « stéréotypée » et banale à force d'utilisation ; varie d'une époque à l'autre et d'un groupe linguistique à l'autre.
  • Lieu commun : expression péjorative, qui disqualifie un discours en affirmant qu'il n'est fait que d'idées reçues, qu'il montre l'absence d'originalité de la pensée et surtout d'invention rhétorique (proche de platitude ou de banalités).
  • Préjugé : opinion adoptée en l'absence d'informations et sans démonstration, mais considérée par celui qui y adhère comme une vérité.

 

Tous ces termes, et particulièrement les stéréotypes, sont à contextualiser : par exemple si le personnage d'Ellen Ripley (Sigourney Weaver)dans Alien, le huitième passager (Ridley Scott) détonne en 1982, comme contre-stéréotype, cela n'est plus le cas aujourd'hui...

 

Préambule

Une fois n'est pas coutume, nous commencerons par un petit jeu sur les stéréotypes à partir du film Seven Sisters de Tommy Wirkola (2017) : C'EST ICI !

 

 

 

(12) Patty Jenkins dans le Huffington Post.

(13) Source : La colossale différence de salaires entre hommes et femmes à Hollywood. Sur LePoint.fr, mai 2019. cet article relaie un article original du Guardian.

(14) En 1981 Delphine Seyrig tournera un documentaire ayant ce titre dans lequel elle interviewe des comédiennes sur leur position de femme et leurs relations avec les hommes dans le milieu du cinéma.

(16) J'avoue qu'avant d'écrire cet article je ne savais même pas qu'il existait un cinéma africain de Sf !

 

(15) Ne pas confondre avec la jupe courte – juste au dessus du genou – déjà fréquente.

I- COMMENT LES FILMS DE SF IMPACTEnt NOTRE VISION DU MONDE ?


Introduction

La question posée dans le titre résume, peu ou prou, la thématique générale de ce site : en quoi les films de Sf reflètent-ils leur époque ? Pour préciser les choses nous allons nous concentrer sur 3 aspects du sujet :

  • quelle vision de l'avenir, les films de Sf contribuent-ils à construire ?
  • en quoi peut-on parler, à propos des films de Sf, d'américanisation du monde ?
  • quelle est la contribution à la connaissance scientifique et technologique apportée par ces films ?

Commençons par une étude de cas qui synthétise ces 3 interrogations : le film Indépendance Day de Roland Emmerich, sorti en 1996.

A- Etude de cas : Independence Day

 

En 1996 Roland Emmerich sort Independence Day, le plus gros carton de l'année au box office (plus de 800 millions de $ de recettes). L'accueil public contraste avec l'accueil critique, surtout en France, largement négatif (le film a même trouvé sa place sur le site Nanarland.com, le site des « mauvais films sympathiques »... C'est dire le paradoxe !). Quelles visions du monde et de l'Amérique porte ce film ? Quels clichés et/ou stéréotypes sont véhiculés ? Peut-on en mesurer l'impact ?

1) Le film

 

Le film «  raconte l'invasion d'extraterrestres venus piller les ressources de la Terre, devant lesquels des groupes d'individus et de familles fuient et convergent vers le désert du Nevada. Avec le reste de la population américaine, ils espèrent participer à une bataille de la dernière chance pour la survie de l'espèce humaine. Symboliquement cette bataille a lieu le 4 juillet, le jour de la fête nationale américaine. » (Wikipedia).

Roland Emmerich sort de 2 productions de Sf, Universal Soldier en 1992 et Stargate, la porte des étoiles en 1994. Le succès d'Independence Day scellera son devenir de réalisateur de blockbusters de qualité et de succès inégaux, parmi lesquels Le jour d'après (2004), 2012 (2009), Midway (2019). Il réalisera une suite, Independence Day Résurgence (2016) qui n'aura aucun succès critique et un maigre succès public (une débauche de Fx au service d'un scénario 'copycat' dénué d'imagination et de souffle).

Avec Independance Day Roland Emmerich propose un film plus complexe à appréhender qu'il ne semble.

2) Un film à clichés, oui mais...

 

Le sous-texte du film met en évidence des clichés et/ou stéréotypes, voire préjugés, mais souvent traités sur un mode paradoxal :

  • la galerie de personnages du film est intéressante : un scientifique américain d'origine asiatique (James Wong) détecte le signal des aliens ; le capitaine Steve Hiller (Will Smith) est noir ; David Levinson (Jeff Golblum), l'informaticien de génie est un juif écolo ; Russell Casse (Randy Quaid) est le vétéran ivrogne (personnage fréquent dans les westerns(2) qui trouvera la rédemption dans une mort héroïque ; le président Whitmore (Bill Pullman) est un Wasp pur jus ; etc. Ce choix de personnages est là pour refléter l'état de la société américaine à la fin du XX° siècle et sa diversité... avec une collection de clichés les plus éculés !
  • les femmes sont au 2nd plan dans le film, un classique me direz-vous... oui mais là aussi il y a une certaine volonté de représenter l'Amérique contemporaine : si le couple présidentiel est on ne peut plus 'normal', la porte-parole de la présidence, Constance Spano (Margaret Colin) est une femme divorcée et la compagne de Hiller, Jasmine Dubrow (Vivica A Fox) est une danseuse exotique ;
  • d'aucun ont vu dans ce film une charge homophobe en comparant le virus informatique qui a raison des envahisseurs au Sida ou en voyant plusieurs signaux homophobes(3). Je n'y ai, personnellement, rien vu de tel, d'autant que le réalisateur est lui même homosexuel et défenseur actif de la communauté gay...

Le casting d'Independence Day réuni à nouveau, 10 ans après la sortie du film.

3) America saves the world

 

Le film a été perçu comme une ode ultranationaliste à l'Amérique « qui se relève et triomphe toujours à la fin ». Tout y concourt effectivement puisque 2 mythes fondateurs des Etats-Unis sont convoqués :

  • le religieux  avec la Destinée Manifeste : l'astronef et les Aliens sont représentés comme une menace diabolique car, outre les apparences (monstruosité et démesure), n'est mise en scène que leur volonté brute et incompréhensible de destruction ; de plus le mythe de David et Goliath est clairement recyclé : Levinson (Jeff Golblum) se prénomme David et, lorsqu'il part au combat, il reçoit une bible et une kippa de son père (Jude Hirsch) et il emporte sa fronde devenue un simple ordinateur portable. Ainsi la lutte contre les envahisseurs c'est la lutte de la civilisation contre la barbarie sous l'égide des États-Unis ;
  • le messianisme : si les envahisseurs sont arrivés partout sur la planète, c'est de l'Amérique que viendra le salut (cf le discours du président : https://www.dailymotion.com/video/x4jk9cy)... et ce, le jour de la fête nationale du 4 juillet (bon, sans cela le film aurait du changer de nom me direz-vous...) ;

Le discours du président Whitmore (en français)

Mais, paradoxe encore, 2 éléments viennent nuancer cette approche :

  • pour une fois, la lutte finale contre les aliens, viendra d'une coalition mondiale, sous l'impulsion américaine... ce qui n'est pas sans nous rappeler que la Guerre du Golfe et Tempête du Désert c'était juste 5 ans avant ;
  • le film, pour nationaliste et guerrier qu'il soit, n'a pas eu le soutien matériel de l'armée américaine (ce qui le range à la même enseigne qu'Apocalypse Now de Francis Ford Copolla (de 1979, c'est dire !), essentiellement pour les allusions à la zone 51 qu'Emmerich refusera de modifier.

4) Le monde selon Independence Day

 

Dans le film les images utilisées pour montrer, à travers le monde entier, d'abord l'arrivée des aliens, puis les destructions et enfin le combat final sont assez fascinantes. Elles révèlent :

  • l'importance des clichés pour ancrer dans l'imaginaire du spectateur une certaine géographie planétaire : la Tour Eiffel, l'opéra de Sydney, les pyramides de Gizeh, etc... On développera cette idée plus loin ;
  • une métaphore de la Pax Americana au proche-Orient : sous l'impulsion américaine la lutte finale contre les envahisseurs crée la coopération israélo-arabe tant rêvée puisqu'on y voit des aviateurs israéliens se concerter et attaquer avec des aviateurs arabes ;
  • mais l'image de l'Afrique reste indécrottablement liée au thème du continent primitif, berceau de l'humanité en marge de la civilisation ;

4 photogrammes de destructions planétaires : l'Opéra de Sydney ; la Tour Eiffel et les gargouilles de Notre-Dame à Paris (Independence Day Résurgence) ; les pyramides Egyptiennes de Gizeh... et l'Afrique !!!!

5) La technologie pour les nuls

 

Steve Jobs a dit, à propos du film, « comment imaginer un seul instant qu'une race supérieure dotée d'une technologie avancée puisse fonctionner en PC et non en Mac, restant ainsi perméable à une banale attaque par virus ? ». Au delà de la blague habituelle anti-Microsoft, Jobs met le doigt sur la façon dont la technologie est traitée dans le film, avec un mélange de jargon, de théorie du complot... et d’énAUrmes invraisemblances :

  • comment des envahisseurs surpuissants peuvent-ils se faire avoir par un virus informatique qui, comme par enchantement, est tout à fait compatible avec leur technologie extra-terrestre ?
  • le recyclage de la fameuse zone 51 et de l'affaire de Roswell crée un pont entre science et complotisme ;
  • nous avons droit enfin à une scène de télépathie (le président Witmore perçoit des bribes de la pensée de l'alien capturé qui lui font comprendre que lui et ses congénères sont là pour exterminer l'espèce humaine) qui introduit la parapsychologie comme science... De quoi ratisser large !

Conclusion

 

Roland Emmerich aurait dit que son film était « 100% ironique » et qu'il y avait un 2nd degré que personne n'aurait vu... peut-être (je n'ai pas pu trouver trace de cette affirmation). Toujours est-il que ce film est le prototype de l'utilisation de clichés et stéréotypes que le spectateur reçoit avec d'autant plus de plaisir qu'il s'y attend. En fait le réalisateur a fait ce que Hollywood sait parfaitement faire : s'adapter pour séduire (et rentabiliser !). Ceci dit, Indépendence Day vaut largement tous les discours patriotiques et autres rodomontades des faucons républicains de la Maison Blanche... alors que Roland Emmerich est plutôt un progressiste du camp démocrate ! Va comprendre Charles !(4)

B- Les films de Sf impactent notre vision du monde

 

C'est dans les années 50 à 80 que les clichés et poncifs de la Sf cinématographique se sont construits. Les sagas Star Trek et Star Wars les ont concentrés et, en les formatant "grand spectacle", ont rendu accessible au grand public cette science-fiction qu'on pourrait qualifier de « Sf de bazar » : empires galactiques, guerres du Bien et du Mal, aliens exotiques mais, au final, bien humains, vaisseaux spatiaux, robots menaçants, etc. Mais outre ces clichés, les films de Sf impactent, quasi politiquement, notre vision du monde. Analyse...

1) Un univers de clichés : l'exemple de Starship Troopers(5)

 

En 1997 Paul Verhoeven adapte le roman de Robert Heinlein (datant de 1955) Starship Troopers. L'accueil critique et public est plutôt froid pour ne pas dire hostile, surtout aux États-Unis où beaucoup d'analyses dénoncent le caractère quasi fasciste du film. En fait Verhoeven, en s'attaquant, par la satire, l'ironie et la subversion à un roman fondamentalement militariste met à mal de nombreux mythes américains. Starship Troopers est un concentré (volontaire rappelons-le) des pires clichés de la Sf :

  • comme souvent dans la SF des années 50, les extra-terrestres sont insectoïdes et leur société est de type ruche, avec un cerveau pour commander les soldats (thème repris ensuite dans Edge of Tomorrow, de Doug Liman en 2014) ; il sont à la fois idiots, incompréhensibles et, finalement, faciles à tuer ! C'est d'ailleurs un biais fréquent : pour féroces, monstrueux, avancés ou géants qu'ils soient les ET et leurs vaisseaux finissent par perdre le plus souvent à cause d'une faiblesse, d'une faille idiote : comment les aliens de la Guerre des Mondes peuvent-ils ignorer l'impact microbien ? Comment les aliens d'Independance day peuvent-ils être aussi bêtes pour se faire avoir par une clef usb ?
  • les soldats humains sont des héros lisses et bodybuildés (proches d'une imagerie de BD), trop parfaits pour être pris au 1er degré ; on trouvera l'inévitable vétéran (Rasczak joué par Michael Ironside), le sergent « dur mais droit » (Zim joué par Clancy Brown), etc.
  • la technologie et la science sont bien mises à mal avec des spationefs manœuvrant comme des frégates de la marine à voile ; des bugs cracheurs de feu capables d'atteindre des cibles dans l'espace ou des scientifiques, tel Carl (Neil Patrik Harris), habillés comme des nazis utilisant une violence glaçante vis à vis des bugs captifs ;
  • la société terrestre est militariste et totalitaire : en effet la citoyenneté et les droits afférents ne s'obtiennent qu'en ayant accompli son service militaire (comme dans l'Athènes du V° siècle avant JC).

2) Le futur assombri par les films de Sf

 

En 1965 dans son essai The Imagination of Disaster, Susan Sontag théorisait une « esthétique de la destruction » dans les films de Sf des années 50-60. Ce constat s'est confirmé dans les années 80 (mouvement cyberpunk) : les films de Sf présentent un avenir sombre et dystopique pour l'humanité. On peut analyser l'impact auprès des spectateurs de ce genre de films de 3 manières(6) :

  • si ces films reflètent les angoisses du temps n'ont-ils pas aussi un effet d'accoutumance, renforçant l'acceptabilité du désastre (c'est la thèse de Susan Sontag) ?
  • l'analyse des facteurs menant au futur dystopique décrit est souvent dépolitisé : il s'agira d'un savant fou, d'un accident (contamination par exemple), d'une catastrophe extra-terrestre ou d'une « évolution » inéluctable (mais pas ou peu analysée). Cela peut conduire à banaliser le désastre... peut-être même à le décrédibiliser ?
  • quelle réponse ? De nombreux films mettent en avant la réponse sécuritaire et son outil principal, la surveillance généralisée... mais quasiment toujours pour la dénoncer et en montrer les limites et les tares (comme dans les séries de films Hunger Games ou Divergente)... On a rarement la description d'une société ou d'une organisation politique apaisée et démocratique ayant vaincu la désastre... Inimaginable ?

3) Le futur assombri par les films de Sf

 

Si à ses débuts le cinéma de Sf est autant français, allemand, italien qu'américain, la domination d'Hollywood devient hégémonique à partir des années 60-70 ; l'industrie du cinéma est devenue un élément clef du Soft power américain(7). Mais il serait trop simpliste de réduire les films américains à des agents de l'impérialisme culturel car le cinéma hollywoodien sait également être férocement critique vis à vis des tares de la société et de la vie politique US : par exemple le cinéma de Sf américain a produit un Indépendence Day et un Mars Attak ! la même année, 1996). D'ailleurs Hollywood cherche à s'adapter pour conquérir des marchés. Si on considère le marché semi-fermé chinois nous avons l'exemple de Tranformers 4, l'âge de l'extinction (coproduction sino-américaine de Michael Bay, 2014) dans lequel des éléments chinois destinés à plaire au public local sont apportés : l'action se déroule en partie en Chine (Pékin et Hong Kong) ; des acteurs chinois (Han Geng, chanteur de K-pop, et Bingbing Li) ; enfin c'est la Chine qui sauve l'humanité des Decepticons).

Les films de Sf américains ont une influence dans le monde par 3 biais principaux :

  • ils véhiculent, en pleins ou en creux, les mythes fondateurs du pays : la frontière dans la saga Star Trek ; le droit à l'insurrection dans Star Wars ; l'American Way of Life est sous-jacent dans la plupart des films de Sf se déroulant sur terre (de ET l'extraterrestre - Steven Spielberg, 1982 - à Retour vers le futur - Robert Zemekis, 1985 -) ; la liberté dans les films de super-héros ; etc ;
  • ils placent les Etats-Unis au centre du monde : c'est particulièrement vrai dans les années 90 avec la pléthore de films apocalyptiques (Armageddon de Michael Bay en 1998 ; Deep Impact de Mimi Leder en 1998 ; et bien sûr Independence Day... 3 films mettant en vedette le président des Etats-Unis en personne !) ; mais c'est aussi vrai par nombre de clichés infusant les films comme celui qui veut que l'anglais soit la langue dominante et automatiquement connue à l'échelle galactique ;
  • ils accompagnent les grands moments de l'histoire diplomatique des États-Unis : films de guerre froide dans lesquels les « monstres » sont les communistes ; films d'invasion, métaphoriques des menaces terroristes (Battleship de Peter Berg en 2012 par exemple) ; etc.

Pour s'adresser à un public mondialisé ces films recourent à des représentations quasi universelles, compréhensibles partout... qui concourent donc à simplifier et stéréotyper la vision du monde : les aliens envahisseurs prennent soin de détruire les symboles architecturaux des pays dont les habitants sont eux-même archétypés (comme la Tour Eiffel et le français romantique qui peuplent les films de Sf montrant notre pays) ; l'univers du futur est souvent réduit à de gigantesques Mégalopoles verticales et densifiées ; etc.

4) La technologie et la science, entre bienfait, jargon, rigueur et vision d'horreur

 

Un autre impact des films de Sf tient dans la représentation de la science et de la technologie qui est véhiculée. On peut y trouver :

  • la science au service de l'humanité dans des visions de voyages spatiaux et temporels ; des IA omniprésentes ; des robots quasiment humains ; une médecine proche de vaincre la mort ; etc. Mais ces visions sont tellement éloignées de l'état de la science de notre temps qu'elles aboutissement parfois à augmenter les attentes mises dans la science contemporaine de façon quasi irrationnelle (c'est le cas dans la chirurgie des prothèses par exemple). Mais si les projections scientifiques futuristes s'avèrent souvent exactes (le Hoverborad de Retour vers le futur ; Johnny Cab, l'ancètre de la GoogleCar dans Total Recall ; etc.) n'oublions pas que l'Internet n'avait pas été imaginé dans les récits de Sf d'avant les années 80 ;
  • parfois on a beau être dans des futurs hypertechnologisés... les bonnes vieilles références au passé demeurent. Ainsi c'est le monde de la marine à voile (des XVII°-XIX° siècles) qui forment le cadre de la navigation spatiale du futur avec, par exemple, le rituel des funérailles de la mer (le cercueil jeté à la mer) devenant celui de l'espace (le cercueil éjecté dans l'espace) qui se voit dans Starship Troopers ou Star Trek... avec la variante des funérailles de Yondu (Michael Rooker) dans Les gardiens de la Galaxie 2 (James Gunn, 2017) dont le corps est brulé et les cendres dispersées dans une sorte de non-espace ;
  • l'essentiel des films de Sf se contente de jargonner autour des aspects scientifiques de l'histoire (un bel exemple est l'emploi souvent aléatoire des termes Galaxie, Constellation, Amas, Système, Nuage, etc.) avec des explications à cheval entre rêveries scientifiques et pratiques magiques : cela contribue peut-être à un effritement de la rigueur scientifique chez le spectateur ?
  • quelques rares films se sont appuyés avec rigueur sur l'état de la science de leur époque. Prenons l'exemple de la bande son utilisée lors des scènes dans l'espace intergalactique : dans la plupart des films les bruitages sont renforcés de façon irréaliste (le vide sidéral n’autorise pas la propagation des ondes sonores), mais jugés cinématographiquement indispensables (que seraient Star Wars ou Star Trek sans les bruitages stridents des accélérations des Tie fighters ou les tirs de phasers !). Mais dans Gravity (2013) d’Alfonso Cuarón ou Interstellar (2014) de Christopher Nolan, comme avant eux l'avait fait Stanley Kubrick pour 2001 : l’odyssée de l’espace (1968), dominent le silence ou des sons très assourdis(8).
  • bien souvent la science est dépeinte avec noirceur... mais il faut nuancer car c'est rarement le scientifique qui est le « coupable » : le plus souvent celui-ci est manipulé par le Grand Capital, des intérêts privés ou un gouvernement cynique : ainsi Grace Augustin (Sigourney Weaver) s'oppose au consortium RDA dans Avatar (James Cameron, 2009) ou Alex Murphy (Peter Weller) affronte l'Omni Cartel des produits (OCP) dans Robocop (Paul Verhoeven, 1987).


 

 

Conclusion

 

En fait, et pour être honnête, ces biais ne sont pas propres au cinéma de Sf, mais celui-ci semble s'en gaver jusqu'à plus soif. C'est surtout dû à l'obligation se séduire le plus grand nombre en passant par les fourches caudines des codes du film d'action et du blockbuster car ces films coûtent cher, très cher !

II- COMMENT LES FILMS DE SF traitent le genre ?


Introduction

La petite infographie ci-dessous (source : The Open Book Blog)résume les questions de diversité dans les films de Sf (et de Fantazy) en 2014 à travers 100 films analysés : on y voit que la place des femmes pose problème ! Ce n'est pas propre au cinéma de Sf, c'est identique aux autres genres. Analysons cela plus en profondeur et demandons-nous si cela évolue en mieux ?

A- Etude de cas : Wonder Woman

 

Wonder Woman n'est pas le 1er film où une super-héroïne tient le rôle titre : avant lui il y eut Catwoman (Halle Berry dans le film éponyme de Pitof, en 2004) et Elektra (Jennifer Garner, dans le film de Rob Bowman en 2005), mais ces 2 films furent des échecs, artistiques et commerciaux, alors que le film de Patty Jenkins fut un franc succès. Analyse...

1) Une héroïne féministe

 

Le super-héros est d'abord et avant tout un mâle américain, blanc et urbain. Jusqu'aux années 2000, la femme n'a pas réellement sa place dans le genre(9)... sauf pour Wonder Woman qui fut créée par William Moulton Marston, un véritable féministe, en 1941. La plupart des histoires la concernant portent un message sur la place et la condition de la femme (y compris jusqu'à l'annonce de la bisexualité de l’héroïne en 2016), tout en étant incarnée par un personnage très sexualisé : par le crayon de Moulton puis par Lynda Carter dans la série télé (1967-1976) et enfin Gal Gadot dans le film de Patty Jenkins en 2017.

Dans le film tout concourt à faire de Wonder Woman une femme forte : elle occupe sans conteste le 1er rôle sur le fond de l'histoire comme sur la forme ; elle est accompagnée d'une galerie (assez folklorique) de personnages masculins secondaires (que les anglophones nomment sidekicks) ; elle est filmée dans les scènes d'action comme l'aurait été un homme (cf. plus bas) ; etc. Ce féminisme se voit en particulier dans les scènes où la candide héroïne (rappelons qu'elle a vécu toute sa vie précédente sur une île, coupée du monde) se confronte au monde des humains et, plus précisemment, aux conventions de la société anglaise du début du XX° siècle. Nous aurions pu avoir droit à toute la galerie de clichés propres au concept du Born Sexy Yesterday (un concept que nous aborderons plus loin)... mais elle s'en tire plutôt bien car le sous-texte féministe est assez fort avec des piques drôles mais incisives sur la place des femmes (secrétaires dévouées ; exclues de certaines sphères masculines ; etc.). Par contre on pourra noter que le scénario n'échappe pas à une sorte de convention d'écriture par laquelle l'héroïne ne peut s'accomplir pleinement que par l'amour d'un homme et son sacrifice (Steve Trevor – Chris Pine – donne sa vie pour sauver l'humanité et détruire le gaz mortel).

2) Un personnage sexualisé

 

La question de la représentation de la super-héroine se pose au travers de son hyper (ou non) sexualisation. En effet, dès les comics des années 60, la question de « la dualité entre un message féministe et son incarnation par un personnage sexualisé »(10) se pose de façon récurrente. La réalisatrice, Patty Jenkins, première femme aux commandes d'un film de super-héros, avait déjà réalisé Monster (2004) dans lequel Charlize Theron incarnait une femme forte mais terriblement « abîmée » par la vie. Pour Wonder Woman, elle a mis en scène son héroïne en concédant aux exigences d'un blockbuster mais en filmant les scènes d'action comme s'il s'agissait d'un super-héros mâle(11). A propos de la sexualisation de son héroïne, en réponse à une critique de James Cameron, elle disait , dans le Huffington Post : « […] Mais si les femmes doivent toujours être dures et perturbées pour être fortes, et si nous ne sommes pas libres de célébrer une femme parce qu'elle est belle et aimante, alors là nous n'aurons pas beaucoup avancé. Je crois que les femmes peuvent et doivent être tout ce que les personnages principaux masculins doivent être »(12).

3) Une actrice sous-payée ?

 

Une polémique a enflammé le Net après la sortie du film, portant sur la salaire de Gal Gadot dont le montant était de 300 000 $ que l'on a comparé aux 14 millions d'Henry Cavill pour Man of Steel ou encore aux 50 millions de Robert Downey Jr pour le 1er Avengers. Ce chiffre ne prend pas en compte les bonus liés au succès du film (qui récolta plus de 600 millions $ de recettes) et il est comparable à ceux de Chris Evans pour Captain America ou Chris Hemsworth pour Thor. Difficile donc de savoir ce qu'il en est réellement mais en ne gardant que le contrat initial, sans les bonus, le différentiel existe entre vedettes hommes et femmes à Hollywood. Selon une enquète américaine portant sur les films d'action en 2018, « les stars masculines gagnent 1,8 million de dollars de plus que leurs homologues féminines dans ces films »(13).

 

Conclusion

 

Le succès de Wonder Woman fut considérable. Outre les qualités du film, on peut penser que son message féministe en fut une des raisons. On peut alors se poser 2 questions :

  • Ce message est-il bien reçu ? Sur EcranLarge un blogueur relate l'anecdote du « Baise-là » lors de l'avant première au grand Rex : alors que Chris Pine et Gal Gadot sont très proches (y aura-t-il un baiser ?) un spectateur lance un « baise-la! » auquel répond un « baise-le! » d'une spectatrice ; ces 2 interjections créant à la fois clivage et malaise dans la salle). Cette annecdote révèle une ambivalence dans la réception du message féministe ; dans le même ordre d'idée, James Cameron dans une interview au Guardian avait estimé que « Wonder Woman était un pas en arrière » pour le féminisme à Hollywood et avait qualifié l'héroïne « d'icone objectivée » ;
  • le féminisme serait-il un argument de vente ? La poussée inéluctable du courant féministe crée une vague... Surfons dessus disent les studios ? Peut-être... sûrement même ! Mais, dans la mesure ou cela se traduit par des avancées... Pourquoi pas diront certains ?

B- Sexisme et féminisme dans les films de Sf

 

Passons d'abord par la littérature et rendons hommage à 2 autrices dont les œuvres firent un bien fou à la Sf de leur époque, Ursula Le Guin et Octavia Butler, pour nous demander s'il y-eut, dans le cinéma de Sf, les mêmes créatrices ? Pour le moment, il semble que non... Analysons alors le cinéma de Sf sous le prisme du genre : dans la mesure où nous savons que les films de Sf reflètent l'état de la société (à l'image des autres genres cinématographiques), il est intéressant de  mesurer le déséquilibre entre les sexes, d'en voir les formes et d'en examiner l'évolution.

1) Bechdel et connotation frames

 

La mesure du déséquilibre entre les rôles masculins et féminins au cinéma a fait l'objet de mesures. Deux outils sont à signaler :

  • Le test de Bechdel (sur la Wikipedia et une vidéo de synthèse) énonce 3 critères de mesure pour un film : y a-t-il au moins 2 personnages féminins (1) qui discutent entre elles (2) d'un sujet autre qu'un homme (3) ? Que tel ou tel film passe le test est finalement assez peu probant, par contre l'analyse des résultats globaux montre que si seulement la moitié des (plus de 8 500) films ne passe pas le test, la situation semble s'améliorer au fil des années, par exemple en 2019 sur 181 films recensés seulement 69 ne passaient pas le test (38 %) ;
  • Un autre test est intéressant, le Connotation Frames d'une équipe de l'Université de Seattle qui mesure comment se manifeste l'autorité (power) et l'esprit de décision (agency) selon les genres, dans les films. La mesure se fonde sur l'usage des verbes d'action employés par les protagonistes (par exemple si une femme parle à un homme pour lui « demander » de faire tel ou tel geste, ce verbe reçoit moins de points de pouvoir que si elle l’« exige ».) : comme attendu les rôles féminins ont moins d'autorité et sont moins décisionnels que les rôles masculins (par exemple les trois-quart des répliques dans les films analysés – environ 1 000, surtout américains – sont attribuées à des rôles masculins).

2) Quelques biais dans la représentation des femmes dans les films de Sf


 

Le syndrome Trinity (en savoir plus)

Cette expression que l'on doit à la journaliste et éditrice Tasha Robinson désigne le biais cinématographique par lequel un personnage féminin fort est, au final, réduite à la fonction de bras droit du héros masculin. Les personnages mentionnés sont, parmi d'autres :

  • Trinity (Carrie-Anne Moss), bien sûr, dans sa relation avec Néo (Keenu Reeves) dans Matrix (Lana et Lily Wachowski, 1999) ;
  • Hope Van Dyne (Evangeline Lilly) dans sa relation avec Scott Lang (Paul Rudd) dans Ant Man (Peyton Reed, 2015) ;
  • Rita Vrataski (Emilie Blunt) dans sa relation à Bill Cage (Tom Cruise) dans Edge of Tomorrow (Doug Liman, 2014) ;
  • Rachel Dawes (Maggie Gyllenhaal) est, dans les 2 premiers volets de la trilogie Batman de Christopher Nolan, la fille des domestiques de la famille Wayne et amie d’enfance de Bruce ; elle est la substitut du procureur Harvey Dent ; femme forte à priori, elle est assignée avant tout à être la jeune fille en détresse et l'amoureuse admirative du procureur.


 

Le "Born Sexy Yesterday"

La chaîne Youtube Pop Culture Détective propose depuis 2017 une vidéo dans laquelle ce trope propre aux films de Sf est expliqué : il s'agit de personnages féminins naïfs, ignorants (ou inexpérimentés) des « choses de la vie » et particulièrement du sexe et de l'amour ; en gros, l’esprit d’un enfant dans le corps d’une femme (en français on traduirait par « Née de la dernière pluie »). C'est une expression de la domination masculine de type « maître / élève ». Dans la vidéo de nombreux extraits montrent les principaux personnages de Sf affectés de ce stéréotype comme :

  • Liloo (Mila Jovovich) dans Le 5° élément (Luc Besson, 1997) dans sa relation à Korben Dallas (Bruce Willis) ;
  • Korra (Olivia Wilde) dans Tron l'héritage (Joseph Kosinski, 2010) dans sa relation à Kevin Flynn (Jeff Bridges) ;
  • Alteira (Anne Francis) dans Planete interdite (Fred McLeod Wilcox, 1956) dans sa relation à John Adams (Leslie Nielsen) ;
  • Weena (Yvette Mimieux) dans La machine à explorer le temps (Georges Pal, 1960) dans sa relation à Georges (Rod Taylor) ;
  • Nova (Linda Harrison) dans La planète des singes (Franklin J. Schaffner, 1968) dans sa relation à Taylor (Charlton Heston) ;


 

Compétentes... oui mais surtout sexy

Un autre biais de la représentation des femmes dans les films de Sf concerne leurs compétences scientifiques : souvent les rôles d'expertes scientifiques s'accompagnent de signes qui contribuent à induire un doute sur lesdites compétences. Prenons 2 exemples :

  • la psychoroboticienne Susan Calvin : dans les romans d'Isaac Asimov, elle tient le tout premier rôle mais l'auteur l'avait imaginée laide et submergée de problèmes personnels... dans le film I, robot d'Alex Proyas (2004) elle devient belle (Bridget Moynahan) mais passe au 2nd plan de l'intrigue, loin derrière Del Spooner (Will Smith)  !
  • dans Star Trek into Darkness (J.J. Abrams, 2013) le docteur Carole Marcus (Alice Eve) est une biologiste moléculaire... alors pourquoi insérer cette scène de sous-vètements qui induit un doute sur ses compétences scientifiques ?

Sois belle et tais-toi

Sois belle et tais-toi est un film de Marc Allégret, sorti en 1958 avec Mylène Demongeot : le titre deviendra une expression de dénonciation du sexisme(14). Cette expression résume bien le rôle dans lequel, durant les années 40 à 80, la femme est assignée dans les films de Sf. L'une des plus forte dénonciation de cette situation se trouve dans l'adaptation à l'écran du roman d'Ira Levin, Les femmes de Stepford (Bryan Forbes, 1975), dans lequel les femmes sont mêmes remplacées par des robots !

Cette assignation au rôle de potiche domine dans les films des années 40-60... mais ce n'est jamais aussi simple. Prenons Planete interdite (Fred McLeod Wilcox, 1956), le personnage d'Altaira (Anne Francis) est le type de Born Sexy Yesterday (cf. plus haut), avec dialogues ineptes et minijupes affriolantes... Justement, la minijupe portée par l'actrice est la 1ère apparition à l'écran de ce vêtement, jusque là réservée aux sportives et aux artistes de cabaret(15), qui deviendra à partir de 1962, avec la styliste anglaise Mary Quant, un symbole féministe. Ainsi, dans le film, le personnage d'Altaira peut aussi bien être vu comme une « sois belle et tais-toi » que comme un symbole d'émancipation (d'ailleurs le film sera interdit dans certains pays ultra-conservateurs, comme l'Espagne franquiste).

Une scène incongrue (et mysogine) : Alice EVE est le professeur Carole Marcus dans Star Trek into Darkness

C- L'émergence de femmes fortes

 

A partir des années 80 des femmes fortes émergent dans le cinéma de Sf. Cette émergence s'est confirmée dans les décennies suivantes. Ces rôles de « badass » (littéralement « dur(e) à cuire) passent par des représentations parfois ambiguës autour de la violence, du corps et des relations aux personnages masculins. Analyse...

1) La violence

 

Les 1ères femmes fortes dans les films de Sf remontent aux années 80 (années qui vont formater le film d'action hollywoodien des décennies suivantes) dans des personnages où la violence joue un rôle important :

  • Ripley (Sigourney Weaver) : dans Alien, le huitième passager (Ridley Scott, 1979) est la seule survivante du Nostromo ; dans Alien le retour (James Cameron, 1986) elle tue la reine Alien après un combat titanesque ; après son suicide dans Alien 3 (David Fincher, 1992) elle réapparaît, sur-humaine, dans Alien la résurrection (Jean-Pierre Jeunet, 1997)... Littéralement increvable, Ripley écrase l'écran...  Par contre, dans les 2 films suivant la quadrilogie originale, les personnages féminins perdent de cette violence (et de cette force), au profit du personnage masculin principal, David (Michael Fassbender)... Comme quoi, rien n'est acquis !
  • Sarah Connor (Linda Hamilton) : de victime traquée dans Terminator (James Cameron, 1984) évolue en une sorte de super-guerrière dans Terminator : le jugement dernier (James Cameron, 1991) et surtout Terminator : Dark fate (Tim Miller, 2019) ;
  • Impérator Furiosa (Charlize Théron), dans Mad Max : Fury Road (Georges Miller, 2015) amplifie le rôle de femme forte inauguré, dans la saga, par Entity (Tina Turner) dans Mad Max 3, au delà du Dôme du tonnerre (Georges Miller, 1985). Furiosa est une guerrière qui mène une double lutte : une lutte politique contre une dictature totalitaire et une lutte sociétale pour libérer des femmes-esclaves (d'ailleurs très dénudées !) ;
  • Captain Marvel (Brie Larson) dans le film éponyme (Anna Boden et Ryan Fleck, 2019) protège la Terre de la menace Kree ;
  • Laureline (Clara Delevingne) dans Valérian et la cités des 1000 planètes (Luc Besson, 2005) est dans la ligne du personnage créé par Pierre Christin et Jean-Claude Mézières en 1967 : une équipière (et non une assistante) de Valérian, son contre-poids raisonnable et indispensable ;

2) Le corps

 

Soyons clair : les femmes fortes sont aussi de belles femmes (quasiment aucun contre-exemple). Dès lors quel rôle est assigné au corps (dans ses dimensions esthétiques et sexuelles) ? L'approche dominante est celle de la sexualisation du corps :

  • soit pour lutter contre le conservatisme : à l'image de Barbarella (Jane Fonda dans le film de Roger Vadim), héroïne hyper sexualisée et icône de nombreux mouvements de libération de la femme dans les années 60 (ici, 1968). Barbarella est une badass qui utilise le sexe comme une arme ; elle pilote souvent les rapports sexuels et n'est jamais contrainte... Mais Barbarella est également une ravissante poupée sexuelle que le réalisateur exhibe à l'infini dans un but avoué, non de militantisme mais de spectacle... Alors, icône féministe ou objet sexuel ?
  • soit pour attirer des spectateurs... tout en revendiquant l'idée que la beauté n'est pas réservée à des personnages futiles ou « nunuches » : c'est le cas de la plupart des super-héroïnes comme Catwoman (Michelle Pfeiffer dans le film de Tim Burton, Batman : le défi en 1992 ou Halle Berry, dans le film de Pitof, Catwoman de 2004), Elektra (Jennifer Garner, dans le film de Rob Bowman en 2005) ou encore Natasha Romanoff (Scarlett Johanson) dans la série des Avengers (Joss Whedon, Joe et Anthony Russo) ; c'est aussi le cas d'Ellen Ripley (Sigourney Weaver) dans une scène courte mais forte de streep-tease dans Alien le huitième passager (Ridley Scott, 1979);

 

  • soit pour promouvoir l'émancipation féminine comme le montre l'évolution du personnage de Rachel (Sean Young) dans le film Blade Runner de Ridley Scott (1982) : c'est une Réplicante (mais elle l'ignore) créée comme fantasme sexuel par Eldon Tyrell (Joe Turkel) qui s'émancipera de ce statut en se rapprochant de Rick Deckard (Harrison Ford) ;

 

Mais il existe une autre approche : le refus de la sexualisation du corps comme c'est le cas dans la saga Star Wars dans laquelle la force des personnages féminins ne réside pas dans une beauté valorisée : princesse Leia (Carrie Fischer), Padmé Amidala (Nathalie Portman dans la prélogie), Jyn Erso (Félicity Jones) dans le spin-off Rogue One de Gareth Edwards en 2016) ou encore Rey (Daisy Ridley) dans la 3° trilogie).

Le générique mythique de Barbarella

Forte et belle : Ellen Ripley (Sigourney Weaver)

3) Les hommes

 

La force de ces personnages s'exprime aussi dans leurs relations aux personnages masculins. Là aussi, les postures divergent ou sont plus ambiguës qu'il n'y paraît. Petite typologie :

  • Katniss Everdeen (Jennifer Lawrence), l'héroïne de la saga Hunger Games (Gary Ross puis Francis Lawrence, entre 2012 et 2015) écrase les rôles masculins, assignés à être des personnages secondaires (sidekicks) ; elle est devenue une sorte d’icône pour les jeunes générations ;
  • Impérator Furiosa (Charlize Théron) est d'abord dominante face à un Max (Tom Hardy) réduit au silence par le masque qu'il porte durant le premier quart du film... Mais par la suite de multiples signes inversent (ou du moins contre-balancent) le rapport entre eux 2 : c'est Max qui suggère la solution, c'est à dire le retour vers la Citadelle et c'est lui également qui sauve Furiosa par la transfusion de son sang... Mais là encore le balancement reste incomplet et c'est Furiosa (et les ex-femmes-esclaves) qui entrent triomphalement dans la Citadelle tandis que Max disparaît ;
  • le docteur Ryan Stone (Sandra Bullock) dans le film Gravity d'Alfonso Cuaron (2013), au prix d'un incroyable périple, survit à la destruction de la navette Explorer... mais ce sera Matt Kowalski (Georges Clooney) qui, sous la forme d'une hallucination, lui sauvera la mise alors qu'elle avait perdu tout espoir... sacré Georges !
  • Le docteur Eleonor Arroway (Jodie Foster) dans le film Contact de Robert Zemeckis (1997) est une scientifique forte qui évolue dans (et contre) un univers masculin... mais son caractère solidement trempé se dilue par moment dans la romance qu'elle a avec Jess Palmer (Matthew McConaughey)... Dommage !

Conclusion

 

Ces personnages de femmes fortes reflètent également des évolutions dans l'industrie cinématographique : les femmes prennent une place plus importante comme actrices bien sûr mais aussi comme autrices (pensons à Suzanne Collins)... mais encore une fois il faut nuancer car, si l'on recense les réalisateurs de films de Sf nous ne trouvons que 5 réalisatrices (face à plus d'une centaines de réalisateurs), les sœurs Wachowski, Patty Jenkins, Mimi Leder et Katryn Bigelow.

III- COMMENT LES FILMS DE SF traitent les questions ethniques ?


Introduction

L'infographie présentée plus haut montre que sur 100 protagonistes majeurs des films de Sf et Fantazy de 2014, 8 étaient afroaméricains (dont 6 fois le personnage était interprété par Will Smith)... Cela laisse dubitatif sur la place des minorités dans le cinéma de Sf !

A- Etude de cas : le cinéma africain de science-fiction

 

Cela paraît, à première vue, assez incongru de parler de cinéma africain de Sf(16) quand on pense aux origines de la Sf et de son cinéma : les pays industriels où le progrès et la technologie étaient les éléments dominants du contexte... Mais oui, il existe une science-fiction africaine et un cinéma de Sf émergent. Analyse...

1) Neil Blomkamp n'est pas seul...

 

District 9 du sud-africain Neil Blomkamp est LE film de Sf issu du continent africain... oui mais... c'est d'abord une production du pays le plus avancé d'Afrique(17) mais c'est également un financement (30 millions de $ pour plus de 200 millions de $ de recettes) américain et néo-zélandais par le biais de la société de Peter Jackson. On le voit, l'argent est venu hors du continent africain. Neil Blomkamp, naturalisé canadien depuis, récidivera avec Elysium (2013) et Chappie (2015)... des films 100 % américains !

Alors en creusant un peu, on découvre que l'Afrique a produit quelques films (souvent des courts-métrages ou des produits destinés à Internet car le manque de moyens est criant) :

  • dans Africa Paradise (2007), le réalisateur béninois Sylvestre Amoussou a imaginé que des Européens, chassés par la pauvreté, migrent clandestinement sur un continent noir devenu prospère (film de politique fiction plus que de Sf) ;
  • Wanuri Kahiu (Kenya) a réalisé un moyen-métrage, Pumzi, en 2009 : dans un Kenya du futur, une héroïne mène la lutte pour la préservation d'une nature quasiment disparue ;

 

(17) L'Afrique du Sud c'est le S de l'acronyme BRICS qui désigne les 5 pays émergents des Suds, Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud (ou South Africa).

 

  • Les Saignantes (Jean-Pierre Bekolo, Cameroun, 2009) est un film très improbable mélant anticipation, magie noire et horreur ;
  • Afronauts (Frances Bodomo, Ghana, 2014) est un court-métrage (14 mn) où les mythes africains sont omniprésents dans une histoire de voyage lunaire (sur le site d'Arte on peut regarder le décryptage de ce film avec le professeur Marcus Stiglegger) ;
  • Kajola (Niyi Akinmolayan, Nigéria, 2010) situe l'action en 2059 à Lagos ;

Ces films sont l'expression d'un mouvement culturel inauguré dans la 2nde moitié du XX° siècle, l'afrofuturisme.

 

2) L'Afrofuturisme

 

Apparu dans la 2nde moitié du XX° siècle, avant tout en musique (Sun Ra), en littérature (Octavia Butler) et dans les arts visuels (Jean-Michel Basquiat), l'afrofuturisme(18) désigne un courant de contre-culture dans laquelle des Afro-américains et des Africains s'emparent des thématiques de science-fiction en rejetant les tropes occidentaux pour les acclimater à la culture africaine.

Ce mouvement a connu en 2018 son expression hollywoodienne avec le film Black Panther de Ryan Coogler : mais ce film est-il afrofuturiste ? Oui et non... oui parce que la création du personnage par Stan Lee (1966) procède de ce courant avec un Royaume du Wakanda jamais colonisé dont le haut niveau technologique s'insère dans un cadre sociétal et juridique africain et non occidental... mais non car, s'il fait la part belle aux personnages africains, il est un blockbuster américain avant tout. Ce film propose une version aseptisée de l'afrofuturisme(19).

Ce mouvement est avant tout émancipateur. En effet l'afrofuturiste interroge la colonisation et la  décolonisation (que serait l'Afrique actuelle ou future si, ni l'esclavage, ni la colonisation, ne l'avaient ravagée ?) et inverse les tropes de domination (la technologie devenant par exemple un outil émancipateur pour les peuples noirs).

L'astrofuturisme est également l'expression d'une Afrique de la croissance dans laquelle les technologies de l'Internet et surtout du téléphone portable sont extrêmement développées(20). En Afrique, comme cela a été fait en Europe et aux Etats-Unis, les auteurs s'emparent de la Sf comme outil critique. Si on reprend, par exemple, le film Les Saignantes c'est une société camerounaise gangrenée par l'argent et la corruption qui est dénoncée.

 

Conclusion

 

Archi minoritaire et ultraconfidentiel, le cinéma de Sf africain reflète la situation de ce continent : à la fois en marge mais débordant de créativité ; à la fois copiant l'Occident et pleinement « africain ».

Bande-annonce de Pumzi

La bende-annonce de Kajola

(18) Le terme apparaît en 1993 dans un article écrit par le critique culturel Mark Dery.

(19) « Ce n’est pas parce qu’il y a des Noirs avec des pistolets lasers que c’est de l’afrofuturisme », selon Mark Dery, inventeur du terme.

(20) Au Sénégal, 85,8 % des foyers possédaient un abonnement à une compagnie de téléphonie en 2009, un taux supérieur à celui du Canada (77,2 %) et même des Etats-Unis (82,7 %

1) Sous-représentation et stéréotypes : les cas Star Wars et Star Trek

 

Les films de Sf reflètent ce que fut longtemps la littérature de science-fiction, un genre d'homme blanc des pays industrialisés européens ou nord-américains. Ils reflètent également la situation sociale (surtout américaine) de leur temps, dominée par les Wasp. Aussi, la diversité y fut, au pire inexistante, au mieux caricaturée. Examinons le cas des 2 sagas cultes de la Sf, Star Wars et Star Trek qui posent doublement la question de la diversité : au travers des héros et au travers du portrait des sociétés galactiques futures qui émergent dans le background de chacune des 2 séries de films.

 

  • Les héros

Les 2 séries de films reposent avant tout sur des personnages blancs : le capitaine James T. Kirk (William Schatner puis Chris Pine), le docteur McCoy (DeForest Kelley puis Karl Urban) ou Scotty (James Doohan puis Simon Pegg) d'un coté et la succession, au fil des 3 trilogies, de héros eux aussi blancs : de Luke Skywalker (Mark Hamill), Leïa Organa (Carrie Fischer) et Han Solo (Harrisson Ford) puis Anakin (Hayden Christensen), Obi Wan (Ewan McGregor) et Padmé Amidala (Natalie Portman) jusqu'à Rey (Daisy Ridley), Kylo Ren (Adam Driver) ou Poe Dameron (Oscar Isaac)...

Mais dans les 2 cas l'évolution des personnages démontre une volonté de coller mieux à l'image des sociétés occidentales (et surtout nord-américaine) et leur diversité. Ainsi pour Star Trek, dans les années 60, porté par l'élan révolutionnaire de la période Gene Roddenberry a introduit dans l'équipage des éléments qui brisent certains dogmes de l'époque : outre Uhura (Nichelle Nichols),(22) il y eut un russe (Pavel Tchékov joué par Walter Koenig puis Anton Yelchin), en plein guerre froide et, pour notre sujet, un asiatique (Hikaru Sulu joué par Georges Takei puis John Cho). Les séries de films ont repris  fidèlement cet équipage...

Pour Star Wars, c'est un peu plus compliqué. Dans la 1ère trilogie le personnage de Lando Calrissian (Billy Dee Williams) apparaît dans l'épisode V (et réapparaitra dans l'ultime épisode, L'ascension de Skywalker) : tokénisme ? Vraie quête de diversité ? Cette 1ère apparition d'un Afro-américain sera renforcé dans la trilogie finale par celui de Finn (John Boyega), dont on a énoncé plus haut les réserves qu'il émet vis à vis de son personnage.

 

  • Des univers racialement intégrés ?

Dans les 2 saga les sociétés galactiques dépeintes sont caractérisées par la foultitude des « races » extraterrestres, métaphore du Melting Pot qui a construit l'Amérique mais également métaphore du monde. Ces "races" interagissent par la coopération, les tensions et les conflits. Mais des biais existent, bien sûr. Le plus évident est le caractère systématiquement humanoïde des espèces agissantes, mais on trouve aussi, un certain nombre de stéréotypes. Prenons l'exemple du personnage de Jar Jar Binks (dans la prélogie Star Wars) qui fut perçu, non seulement comme grotesque mais comme une caricature de Rasta Jamïcain. Un autre exemple dans Star Trek où les extraterrestres (souvent hostiles) apparaissent avec des connotations discutables : les Klingons, hostiles et féroces, ont la peau sombre ; les Ferengi ont un look et un appétit pour l'argent qui peut évoquer les pires stéréotypes sur les Juifs...

Mais ces représentations ne sont pas réellement des actes volontaires, elles expriment plutôt la puissance suggestive des stéréotypes véhiculés par la société de l'époque...

 

B- La question de la diversité dans les films de Sf entre stéréotypes et invisibilité

 

Finn, l'ex-stormtrooper, interprété par John Boyega est un personnage de premier plan de la dernière trilogie Star Wars, au côté de Rey (Daisy Ridley) : voilà un exemple de réel progrès pour représenter, à l'écran, la diversité de la société américaine... oui mais... John Boyega (par ailleurs très actif dans le mouvement Black Live Matters) a régulièrement dénoncé l'évolution de son personnage, passant d'un 1er plan prometteur dans l'épisode VII, pour se réduire, selon lui, à un sidekick sans profondeur(21).

Cette anecdote résume d'une certaine façon comment est traitée la diversité dans les films (américains essentiellement) de science-fiction : des progrès réels ou non ?

(21) Interview donné pour GQ UK en 2020.

(22) Dans l'épisode Les descendants de 1968 se produisit, entre Uhura et Kirk, le 1er baiser interracial à la télé américaine (il faut préciser qu'ils étaient sous l'influence d'une drogue). De plus le personnage d'Uhura a marqué son époque comme le rapporte Woopie Goldberg qui affirma : « Quand j’avais 9 ans, j’ai vu Star Trek à la TV et j’ai couru dans la maison en criant « Viens voir Maman, il y a une dame noire à la TV et ce n’est pas une servante. » J’ai su à cet instant que je pourrai devenir tout ce que je voulais ».

2) Les 4 biais de représentation de la diversité dans les films de Sf

 

Dans une analyse des "races" dans Star Wars, le journaliste Noah Berlatsky, estime que le cinema de Sf aborde la race par 4 moyens (sachant que les 2 premiers sont les plus répandus et sachant également que ces moyens peuvent coexister et se renforcer mutuellement) :

  • la métaphore : le récit ou des éléments du récit deviennent des façons de parler (pour dénoncer le plus souvent) de diversité. Des exemples : dans Starship Troopers (Paul Verhoeven, 19xx) les bugs métaphorisent l'Autre, l'Etranger ; dans la saga X-Men la question de la diversité et de son acceptation ou non est posée au travers de la mutation ; etc.
  • le tokenisme : c'est une pratique consistant à faire des efforts symboliques d'inclusion vis-à-vis de groupes minoritaires dans le but d'échapper aux accusations de discriminations. Les exemples sont plus difficile à donner car cette pratique n'est jamais avouée, bien évidemment ! Peut-être, comme dit plus haut, Billy Dee Williams jouant Lando Caristan dans la 1ère trilogie de Star Wars (?) ;
  • la diversité assumée : c'est l'idée rejetant la division/hiérarchisation des "races" dans des univers cinématographiques où être blanc n'est pas la norme dominante (Black Panther par exemple) ou alors des univers inventant d'autres 'couleurs' pour l'humanité (dans les Gardiens de la Galaxie 2, Yondu est bleu, Draxx est rouge, Gamora est verte) ;
  • L'approche directe : il s'agit de mettre en scène la ségrégation. Les 2 exemples les plus fameux sont District 9 de Neil Blomkamp (qui mèle approche directe et métaphore) et le district 11 de Hunger Games qui est l'un des 2 plus pauvres de Panem dont 3 des 4 tributs (rappel : un tribut est un combattant que chaque district doit fournir pour les Hunger Games) sont noirs (Shaff, Thresh et Rue).

3) Trois films, trois avancées vers une plus juste prise en compte de la diversité

 

  • Black Panther

Le succès monumental (1,3 milliards de dollars de recettes, trois Oscars) de Black Panther (tiré du DC Comics de Stan Lee et Jack Kirby) tient à la qualité intrinsèque du film, au fait qu'il s'agit du 1er film de super-héros porté par et centré sur des personnages noirs et, enfin, à des choix artistiques assumés avec un réalisateur noir (Ryan Coogler), des scénaristes noirs et une équipe de production (en majorité) noire. Mais n'y a-t-il pas aussi, dans le film, une vision rétrograde de l'Afrique car il véhicule les mêmes mythes qu'il cherche à dénoncer (tribalisme, des élites noires aisées dominantes ; etc.) ? De plus, à travers les personnages de T'Chaila (Chadewick Boseman), souverain du Wakanda, et Killmonger (Michael B. Jordan), l'usurpateur, ce sont 2 conceptions de la libération de l'Afrique et de l' « Homme noir » qui s'affrontent : l'intégration respectable ou bien la lutte radicale ? Si la voie prônée par T'Chaila l'emporte on ne peut que regretter que la radicalité extrême de Killmonger discrédite la voie de la lutte politique.

  • X-Men, le combat pour la tolérance

Le combat des X-Men(23), qu'ils soient des « gentils » ou des « méchants », est politique. Charles Xavier incarne la voie réformatrice et modérée (il veut créer une sorte de « contrat social » entre humains et mutants) face à une vision radicale de la lutte portée par Eric Lehnsheer/Magnéto (une vision pessimiste fondée sur l'analyse de l'histoire : pour lui, l'Autre est et sera toujours ostracisé). Replacé dans le contexte des années 60 c'est une transposition des 2 conceptions du combat pour les droits civiques opposant Martin Luther King et Malcolm Little / Malcom X. Si la sympathie du spectateur va d'emblée vers les mutants emmenés par Charles Xavier, on peut noter que la perception donnée du camp radical est plus nuancée : Magnéto et Mistic évoluent, au grè des films, d'anti-héros à héros (c'est très perceptible dans Dark Phoenix de Simon Kinberg en 2019). Par contre, sont clairement catalogués dans le camp des anti-héros les tenants de l'éradication des mutants, que cela soit le sénateur Kelly, le général Stryker ou encore le magnat Warren Worthington. Ils incarnent un pouvoir qui veut contrôler la population mutante par le fichage, ou la guérir par une sorte de vaccin (cf. X-Men 2), voire même l'éradiquer (dans Days of Futur Past de Bryan Singer, sorti en 2014, l'outil de leur élimination sont les  sentinelles, robots géants anti-mutants). La série semble être donc un hymne à la tolérance puisque chacun pourra voir dans la situation des mutants face aux humains « normaux » un sous-texte évocateur d'une forme de discrimination ou de ségrégation : homosexualité, minorité raciale, handicaps, etc. Mais le message doit être nuancé car la série de films, si elle défend les positions de tolérance, envisage le combat contre les discriminations du point de vue de Charles Xavier, par la discussion, la conviction, bref la voie réformiste. La radicalité de Magnéto est rejetée voire caricaturée, en particulier par une mégalomanie quelque peu grotesque par moment ! Entre réforme et révolution le choix est fait !

(23) Ce paragraphe est une reprise d'une partie de l'article sur l'Autre, mutants et posthumains.

  • Spider-Man : New Generation pour une "New Society"

 

Le cas des super héros est emblématique. Porté par une vague qui a touché les comic's depuis pas mal de temps(24), Hollywood commence à faire la part belle à la diversité, reflétant ainsi les mutations sociales et des transformations sociétales contemporaines. Spider-Man : New Generation (Bob PersichettiPeter Ramsey et Rodney Rothman , 2018) raconte l'histoire de Miles Morales, un jeune garçon métis afro-latino-américain de Brooklyn qui deviendra un nouveau Spider-Man dans un univers parallèle, au coté de Peter Parker... et de 3 nouveaux Spider-men, Spider-Ham (une version porcine de l'homme araignée), Spider-Man Noir (un Spider-Man des années 30) et Peni Parker (version jeune adolescente de Spider-Woman) ;


Conclusion

 

Le cinéma de Sf reflète bien les évolutions perceptibles dans les sociétés occidentales par une meilleure prise en compte de la diversité.  Mais on peut s'interroger : subterfuge marketing visant à attirer une nouvelle clientèle ? Tokénisme puissance 10 ? Discrimination positive ? Certains parlent même de « propagande progressiste ». Il y a certainement du vrai dans toutes ces interprétations... mais personnellement je vois cela positivement bien que l'on peut se demander si ces représentations sont réellement en adéquation avec ce que les minorités attendent... du fait que les auteurs restent majoritairement des hommes blancs hétérosexuels ?

(24) Par exemple, en 2014 Miss Marvel devient Kamala Khan, une jeune américaine musulmane d'origine pakistanaise.

CONCLUSION GENERALE

 

Les films de Sf contemporains coûtent, la plupart du temps, très chers. Leur rentabilité dépend d'une diffusion mondialisée. Comme il faut séduire un grand nombre, on utilisera des stéréotypes classiques et commodes afin de rendre le discours compréhensible, en sacrifiant ainsi aux logiques habituelles du blockbuster. Mais il faut également être en prise avec son temps (mouvement Me Too ; Black Live matters ; etc.) et donc introduire des changements dans les représentations du genre et de la diversité qui ont dominé durant des décennies. L'ensemble donne, depuis une vingtaine d'années, des films plus complexes mais aussi plus paradoxaux et ambivalents car chaque idée progressiste sera scrutée pour savoir s'il s'agit d'actes militants ou d'arguments marketing ; d'un anti stéréotype ou au contraire du renforcement d'un stéréotype ; etc.

Mais finalement, à bien y réfléchir, un film qui ne contiendrait ni stéréotype ni préjugé... serait un vrai film de Sf, non ?

STAR TREK

STAR WARS

Ferengis et Klingons... des stéréotypes ?

BIBLIOGRAPHIE - WEBOGRAPHIE


OUVRAGES et ARTICLES

 

ARMAIGNAC, Esther. Les personnages féminins des blockbusters américains. Représentations et rapports de pouvoir. Mémoire Université de Monreal , 2017 : VOIR.

 

BOISSONNEAU, Mélanie. Enjeux de la super héroïne au cinéma. In Du héros aux super héros: mutations cinématographiques. FOREST, Claude (dir.). Presses Sorbonne nouvelle. 2009 : VOIR.


BOURQUE-BERANGER, Emilie. Les femmes violentes dans le cinéma hollywoodien à l’ère Reagan. In Communication, lettres et sciences du langage, 2008. Université de Sherbroock : VOIR.

 

CAIRA, Olivier. Le cerveau comme machine. Georg Editions, Janvier 2020.

Le sociologue y étudie les représentations de l’intelligence dans les œuvres de fictions au cinéma et dans les séries. Une recherche qui se base sur un corpus de plus de 200 films et 100 séries.

 

DENIZART, Michel. L’influence du cadre institutionnel et des stéréotypes sonores sur le montage son d’un film de fiction. Dans Études de communication n°51 (2018) : VOIR.

 

LEBEL, Geneviève. La représentation féminine au sein du genre de super-héros américains du XXI° siècle. Mémoire Université de Monréal, 2016 : VOIR.

 

MASURE, Anthony. Panne des imaginaires technologiques ou design pour un monde réel ? In actes de la journée d’étude « CinéDesign : pour une convergence disciplinaire du cinéma et du design » des 6 & 7 octobre 2016, université Toulouse – Jean Jaurès, septembre 2017 : VOIR.


 

SUR LE WEB

 

 

BAILLARGEON Stéphane. Un nouveau test pour décrire les stéréotypes des rôles masculins et féminins au cinéma. In Le Devoir (2017) : VOIR.

 

CALDINI, Camille. Pourquoi "Mad Max : Fury Road" énerve les antiféministes. Sur le blog de FrancetvInfo : VOIR.

 

GRAY, Alice. The representation of women in Science Fiction. Sur un blog de Sf : VOIR.

 

ORIEUL, Anaïs. Diversité dans les comics : il est où le problème ? Sur le site Terrafemina, 2017. VOIR.

 

QUEENAN, Joe. Sci-fi cliches. In The Guardian, 2010. VOIR.

 

ROPERT, Pierre. D'Alien à Wonder Woman : le féminisme dans les blockbusters en cinq films. Sur le site de France Culture : VOIR.

 

SCOFIER, Axel. Quand Hollywood tente de s’adapter au marché du cinéma chinois. Sur le site de l'INA. VOIR.

 

SETH, Radika. 8 films qui mettent les femmes au cœur de l’exploration spatiale. Dans Vogue magasine 2020 : VOIR.

 

ZONTONE, Alessandro. La femme fatale au cinéma et Le sexisme au cinéma. Sur le blog Politiquelle : VOIR.

 

Where’s the Diversity, Hollywood? Sci-Fi and Fantasy Blockbusters Overwhelmingly White, Male. Sur un blog américain : VOIR.

 

6 stéréotypes insensé du cinéma. Sur un blog américain. VOIR.

 

Le blog "Le cinéma est politique" : le dossier sur la Sf : VOIR. En particulier les articles sur :

  • La planète des singes de Tim Burton : VOIR.
  • La trilogie Batman de Christopher Nolan : VOIR.
  • Gravity : VOIR.
  • Les 3 articles sur l'Apocalypse : VOIR - 1 - 2 - 3.
  • Contact (Robert Zemekis) : VOIR.
  • Ex-Machina (Alex Garland) : VOIR.
  • Mad Max : Fury Road : VOIR.


Femmes et science-fiction, retour à la case départ ? In Le devoir, aoôt 2013 : VOIR.

 

Le projet Erasmus StereoSciFiStereotypes and Hard Science Fiction - December 2017 - November 2019 :

  • le site : VOIR.
  • un document de synthèse : VOIR.
  • les activités pédagogiques : VOIR.


La colossale différence de salaires entre hommes et femmes à Hollywood. Sur LePoint.fr, mai 2019 : VOIR.


Les représentations dans le cinéma de Sf. Un diaporama en ligne : VOIR.


Courrier des lecteurs du Nouvel Obs. "The Dark Knight rises" : dis Batman, où sont les femmes dans Gotham City ? : VOIR.

Des super-héros en quête de justice sociale : la stratégie inclusive de Marvel. Sur Hustle Magazine : VOIR.
 

Quelques pages Web recensant les clichés en Sf : VOIR - 1 - 2 - 3.

 

A propos de l'afrofuturisme

 

  • Une liste de films de Sf africains sur Cinetrafic : VOIR.
  • L'article de la Wikipedia : VOIR.
  • LAGARDE, Yann. L'afrofuturisme, une esthétique de l'émancipation. France Culture, 2019. VOIR.
  • THEVENET, Elisa. « Ce ne sont pas que des Noirs avec des pistolets lasers » : quand l’afrofuturisme repense l’humanité. Le Monde. Nov 2019. VOIR.
  • ROGEZ, Olivier. Analyse du film Les saignantes sur Rfi : VOIR.
  • Décryptage du film "Afronauts" avec le professeur Marcus Stiglegger sur Arte.tv : VOIR.


 

 

ECOUTER

 

SF : une littérature de genres ? La Méthode scientifique par Nicolas Martin : ECOUTER.

 

Quelle science la science-fiction cache-t-elle ? Intervention de Roland Lehouque dans l'émission La Conversation scientifique animée par Etienne Klein (septembre 2016). Sur le site de France Culture. ECOUTER.

 


 

REGARDER

 

Les clichés sur la Sf sur Allociné : REGARDER.

 

11 héroines qui détruisent les stéréotypes : REGARDER.

 

Born Sexy Yesterday. Sur la chaine Pop Culture Détective. REGARDER avec sous-titrage sur le blog Prenezcecouteau.com.

 

Le 7e cycle de tables rondes des Intergalactiques de Lyon sur la représentation des femmes dans la Science-fiction. 21 avril 2018. Le compte-rendu en vidéo : REGARDER.


Les clichés en Sf : REGARDER.
 

 

A PROPOS DE QUELQUES FILMS

 

Planète interdite

  • Une analyse sur le site de la RTS. Octobre 2020. VOIR.
  • un débat su le film : REGARDER.
  • une analyse (en anglais) sur la chaine Film Histories : VOIR.

 

Independance Day

  • MASSINET, Alain. Independance Day. Dans la revue Raison présente, 1997. VOIR.
  • HERVAUD, Alexandre. Independence Day : lumière sur le sous-texte méconnu de ce film culte. Sur Vodkaster : VOIR.
  • La critique dans Nanarland : VOIR.

 

Wonder Woman

  • Une critique dans Ecranlarge. VOIR.
  • Dossier Wonder Woman du Huffington Post mars 2014. VOIR.
  • ENGELS, Antoine. Comme Captain Marvel, ces super-héroïnes de comics sont vraiment féministes. The Huffington Post, mars 2019: VOIR.
  • CRETE, Geoffrey. Wonder Woman : critique Wonderbra. Sur Ecranlarge, 2017. VOIR.

 

Barbarella

  • Barbarella, l'héroïne féministe incomprise ? Sur le blog Zacharium. VOIR.
  • Sur Senscritique : VOIR.
     

Valérian

  • DE VRIENDT, Laure-Hélène. Laureline, l'héroïne cool et indépendante de "Valérian". Sur le site de Rtl : VOIR.
  • LALANNE, Jean-Marc. Détruit par la critique américaine, "Valérian et la Cité des mille planètes" vaut mieux que ça. Dans les Inrocks VOIR.


Mad Max : Fury Road

  • CALDINI, Camille. Pourquoi "Mad Max : Fury Road" énerve les antiféministes. Sur Francetvinfo : VOIR.

 

Spider Man : new génération

  • Une critique dans Ecranlarge : VOIR.