LA SF DIT LE PRESENT

Ecole d'art

(1) Yannick Rumpala, Penser l'Anthropocène, Beau Rémy et Larrère Catherine (dir), Presse de Science Po, 2016

(2) ...et du Malthusianisme, élément plus important dans le livre puisque Harry Harrison prônait la pilule et le contrôle des naissances ce qui le mettait en opposition face aux positions conservatrices dominantes de l'époque.

(3) Lire Alain Musset, Le Syndrome de Babylone, géofictions de l’apocalypse (Armand Colin, 2012),

(4) GENDRON, Corinne et AUDET, René. L’environnement au prisme de la science-fiction. De la dystopie à la reconstruction du rapport homme-nature dans les sociétés postécologiques. Revue Futuribles, n°413,

(5) Deux exemples : Neal Stephenson, écrivain de SF a lancé le Project Hieroglyph ou encore L'anthologie de SF optimiste coordonné par Jetse de Vries Shine: An Anthology of Optimistic SF.

Le CINEMA DE SCIENCE-FICTION et l'ECOLOGIE

« Quelle planète laisserons-nous à nos enfants, mais aussi quels enfants laisserons-nous

à la planète ? ». Pierre Rabhi (https://www.pierrerabhi.org/)

Introduction

Pierre Rabhi, dans cette phrase, postule que la question environnementale ne peut se poser qu'en connectant le présent au futur. N'est-ce pas une fonction capitale de la science-fiction ? C'est pour cela que la SF est si utile pour poser les problématiques écologiques puisqu'elle a, dans de multiples scénarii, amené l'espèce humaine à se confronter aux pires hypothèses environnementales, y compris jusqu'à son extinction... et après ! Ce qui est intéressant dans ce genre d'histoire c'est que le monde futur qui est envisagé procède d'un passé... qui est notre présent en fait ! Sur le plan cinématographique la SF s'est beaucoup nourri de ce sujet, d'autant plus qu'il est très cinégénique : les catastrophes écologiques et les mondes post-catastrophes donnent des images impressionnantes. Hans Jonas dans son Principe de la responsabilité postule que la SF (et les films de SF) crée une « heuristique de la peur ». La veine apocalyptique qui est devenue très présente dans la science-fiction aurait largement de quoi l’alimenter. On peut aussi voir les récits et films de SF comme des lanceurs d'alerte et parler dans ce cas d'une « heuristique de la souciance »⁽¹⁾.

I- UN cinema de la preoccupation écologique

La SF comme reflet du monde et de ses tares produit également des visions de la société à venir en questionnant le rapport homme-nature au sein de l'anthropocène. Récemment un terme est apparu pour qualifier un courant de la SF qui parle du changement climatique et de ses conséquences : la Cli-fi (climate fiction).

A- Etude de cas : Soleil Vert de Richard Fleischer

1) Le film

En 1966 Harry Harrison publie Make room! Make room! que Richard Fleischer adaptera sous le titre Soleil Vert en 1973 (Grand prix à Avoriaz en 1974). Le film (qui bénéficie de la présence de stars comme Charlton Heston, Edward G.Robinson ou Joseph Cotten) est la 1ère grande œuvre populaire à portée écologique : pour toute une génération c'est le 1er contact avec les questions de surpopulation, d'épuisement des ressources et de menace environnementale. Le contexte est le surgissement des questions écologiques qui vont peu à peu remplacer la peur nucléaire : 1ère réunion du Club de Rome et parution du livre La bombe P de Paul R. Ehrlich en 1968 ; fondation de Greenpeace en 1971 ; publication du rapport Meadows et conférence sur l'environnement organisée par l'ONU à Stockholm en 1972 ; 1er choc pétrolier en octobre 1973...

Le film a près d'un demi siècle. Si les scènes d'action ou certaines intrigues parallèles sont un peu indigestes, la mise en scène, le jeu des acteurs et le maintien du suspense n'ont pas vieilli et rendent le film totalement appréciable encore aujourd'hui. Ce qui frappe est une forme de cruauté dans les thématiques abordées : la condition féminine (les femmes sont assimilées à des objets) ; l'euthanasie ; la répression...

2) L'histoire et les thématiques abordées

En 2022 les ressources naturelles sont épuisées. Dans la ville de New-York surpeuplée (44 millions d'habitants) et surchauffée (33° en permanence) les habitants survivent grâce aux pilules nutritives de la société Soylent qui vient de mettre sur le marché le tout nouveau Green Soylent. Un meurtre intervient au sein de cette société et l'enquête est confiée à Thorn (Charlton Heston) qui mettra à jour une vérité inimaginable... La thématique principale du film se résume en une citation de Harry Harrison, l'auteur du roman, « Un jour nous avons possédé le monde, mais nous l’avons dévoré et brûlé ».

3) Quel vision du futur dans Soleil Vert ?

Le réalisateur a, sagement, pris la décision de mettre au 2nd plan la question de la surpopulation⁽²⁾ et de privilégier la question écologique. Dans Soleil Vert le futur n'est pas celui d'une apocalypse brutale (l'époque des fins du monde par holocauste nucléaire est passée) mais d'une progressive dégradation environnementale accompagnée d'une véritable déshumanisation dont les conséquences sur les 3 piliers du développement durable sont envisagées de manière systémique :

le pilier environnemental : la nature ne donne plus que parcimonieusement ses fruits (l'eau et les aliments naturels sont rares) et le réchauffement du climat est une réalité ;
le pilier social : la ségrégation sociale s'est accentuée de façon abyssale en faisant de l'alimentation (naturelle / artificielle) un puissant marqueur d'inégalités ; de même le contrôle social est de type totalitaire (surveillance, répression, internement...) ;
le pilier économique : la puissante société Soylent est animée par le profit et ne recule devant rien pour en assurer la pérennité ;

Les causes de cette lente dégradation sont concentrées dans le générique avec une dénonciation claire de la révolution industrielle et de l'American Way of Life :

Conclusion

Prémonitoire ou improbable, l'histoire racontée dans Soleil Vert a l'immense intérêt d'avoir mis à la portée de tous les préoccupations écologiques naissantes, dans une vision systémique.

B- Un cinéma de la peur

A l'image de Soleil Vert, les films de SF jouent le plus souvent sur les peurs qu'ils alimentent et amplifient. C'est surtout le courant cyberpunk, à partir des années 80, qui a porté le désenchantement face aux possibles évolutions techno-économiques et face à l'avenir écologique de la terre. Et l'apocalypse décrite a quasiment toujours des causalités humaines liées à l’ère de l’anthropocène.

1) Catastrophes écologiques

L’effondrement du monde a, en SF, 4 grandes origines : la technologie (ainsi l'holocauste nucléaire a été dominant dans les années de guerre froide) ; la pandémie et les virus ; l'impact naturel (astéroïdes et comètes ont dominé le cinéma de SF des années 90-2000) ; enfin les facteurs écologiques (pollution, dérèglement climatique...) qui dominent depuis les années 2000. Dans ce dernier cas il existe un problème, celui du temps : la catastrophe au cinéma s'inscrit dans un temps court, nécessaire pour captiver le spectateur. Par exemple dans Le jour d'après (Roland Emmerich, 2004) la glaciation s'effectue en quelques jours... alors que le temps du changement climatique est bien plus long. Dans Geostorm (Dean Devlin, 2017) la menace provient du dérèglement d'un système de satellites (à l'origine destiné à protéger la terre des menaces climatiques) qui engendre une succession de catastrophes dans des temps très courts.

Le plus souvent il faut chercher la catastrophe écologique dans la description des mondes post-apocalypses où elle est évoquée, indirectement et sans analyse des causalités. Exemples :

dans le film Transperceneige (Snowpiercer) de Bong Joon-Ho (2012) l’hiver généralisé qui a envahi la planète (et qui condamne les survivants à un éternel déplacement en train) est le résultat d’une tentative de géo-ingénierie climatique (lâcher un gaz dans l'atmosphère afin de lutter contre le réchauffement) qui a mal tourné ;
dans Wall-E (Andrew Stanton, 2008), la pollution et les déchets ont transformé la terre en une vaste décharge inhabitable ; l’humanité a abandonné la planète pour se réfugier dans d'énormes vaisseaux spatiaux. Resté sur la Terre dont a disparu la quasi-totalité de la vie (seul un cafard et une petite plante verte survivent miraculeusement), le robot Wall-E nettoie... et veille ;
Waterworld (Kevin Reynolds, 1995) évoque par petites touches que l'engloutissement de la Terre par les océans, provient d'une pollution industrielle incontrôlée dont la trace, métaphorique, est celle des méchants du films, les Smokers et de leur QG qui n'est autre que l'Exxon Valdez ;
Take shelter (Jeff Nicholls, 2011), est un film intéressant car il met en scène, à travers l’obsession du héros à vouloir protéger sa famille des tornades qu'il voit dans ses cauchemars, non seulement l'angoisse face aux bouleversements climatique mais aussi face à la crise économique et face à la désagrégation du rève américain.

Conclusion

Si la catastrophe écologique relève de la responsabilité humaine, on peut y voir aussi une métaphore révolutionnaire radicale : détruire pour mieux (?) reconstruire⁽³⁾. Mais si on admet cette explication cela signifie également un renoncement à vouloir changer et donc l'acceptation de l'inéluctable ? On en reparlera...

2) Les caractères de la guerre spectacle

En 1982 Ridley Scott mettait en scène le monde imaginé par Philip K. Dick dans Blade Runner (Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? 1966). Los Angeles en 2019 (et oui!) est un lieu pluvieux où la faune (et une bonne partie de la flore) a disparu, remplacée par des animaux artificiels. Le salut est dans les colonies spatiales. Vingt ans plus tard, dans le film d'animation Wonderful Days (Kim Moon-saeng, 2003) l’humanité a rendu la Terre inhabitable : les riches (regroupés dans une ville-bulle, Ecoban) produisent leur énergie... gràce à leur propre pollution ! La révolte des plus pauvres est menée au nom de la justice environnementale.

Ces 2 films mettent en scène des sociétés d'un monde où le point de rupture écologique est dépassé. Dans la façon dont la SF et son cinéma aborde la relation homme-nature à partir du moment où ce point de rupture écologique est dépassé, Corinne Gendron et René Naudet voient 6 scénarii possibles pour ce qu'ils appellent les sociétés post écologiques⁽⁴⁾. On gardera 2 thèmes simplement.

La fin de l'idée de nature

De nombreux films postulent que l'idée de nature même est en recul, voir en disparition pure et simple.

Parfois la nature est ravagée et l'humanité régresse en termes de civilisation. Le plus souvent la cause de cette régression est un holocauste nucléaire ou une pandémie. Quelques films expliquent cette régression par des causes d'ordre écologique comme la série de films Mad Max (1979 à 2015) qui fait de l'épuisement du pétrole la cause du retour dans une ère de sauvagerie. De nombreux films montrent une nature si dégradée que les conditions de vie des survivants sont dramatiques : soleil implacable dans Le livre d'Eli (Albert et Allen Hughes, 2010) ; désert de cendre sans vie dans La route (John Hillcoat, 2009) ; etc.
Parfois la nature disparaît face à l'anthropisation. Dans l’univers de Star Wars, Coruscant, planète-capitale de la République Galactique est, à l'image de Trantor dans le cycle de la Fondation d'Isaac Asimov, totalement urbanisée : la nature a disparu à l'exception de ce que l'homme entretient pour son bien-être. Cela rejoint la théorie de l'oecumenopolis de l’architecte et urbaniste Constantinos Doxiadis.
d'autres films mettent en scène une nature inhospitalière forçant l'humanité à se concentrer dans des poches de civilisation : les villes-bulles de L'âge de cristal (Michael Anderson, 1976) ; la cité souterraine dans The Island (Michael Bay, 2005) ; les Magacités de Judge Dreed (Danny Cannon, 1995) ; etc.

Voir ailleurs

L'humanité quitte la terre dans 2 cas : soit la Terre est devenue inhabitable et l'exil est une nécessité soit l'humanité conquérante se répand dans l'univers. Dans les 2 cas il est question de terraformation et de bio-ingéniérie dont le le traitement cinématographique est parfois naïf et mystérieux comme l'est la technique d’ensemencement utilisée dans le deuxième film de la série Star Trek, La Colère de Khan (Nicholas Meyer, 1982). Exemples :

Dune (Franck Herbert, 1965, mis en scène par David Lynch en 1984) est centré sur la planète aride Arrakis peuplée par les tribus Fremen parfaitement adaptées... A la fin du film la pluie qui tombe témoigne d'un début de terraformation écologique destinée à rendre Arrakis habitable... Le film s’arrêtant là il faut se plonger dans les romans pour envisager les conséquences multiples, et souvent perverses, de cette transformation ;
Passengers (Morten Tyldum, 2016) reprend la thématique de l'Arche de Noé ;
dans Interstellar (Christopher Nolan, 2014) c'est la recherche d'une planète alternative à la Terre est le point de départ du film. La terre devient progressivement inhabitable à cause d'un phénomène de Dust Bowl planétaire. Cela n'est pas sans rappeler la migration des fermiers américains, chassés du Mid-West, dans les années 30 et cherchant la salut en Californie (lire et voir Les raisins de la colère de John Steinbeck et le film de John Ford en 1947) ;
des « colonies de l’espace », existent dans Blade Runner (Ridley Scott, 1982, d'après le roman originel de Philip K. Dick, 1968)
Elysium (Neill Blomkamp, 2013) n'envoie que les plus riches sur la station spatiale éponyme, laissant une Terre ravagée aux autres ;
parfois la planète alternative est proposée comme l'occasion d'une nouveau départ dans relation homme-nature : c'est le cas de Pandora dans Avatar (James Cameron, 2099) décrite comme un Eden à retrouver.

Conclusion

Le cinéma de SF se veut-il moralisateur ? En effet il présente, en creux ou en pleins, l'apocalypse écologique comme un châtiment collectif. Il s'accompagne très souvent d'une réflexion sur le système libéral (certains allant jusqu'à le qualifier de nécro-capitalisme) dont la disparition, on l'a vu, n'engendre jamais de modèle alternatifs optimistes. Elle n'est, d'une certaine façon, que le reflet d'une forme de solastalgie (théorisée par l'Australien Glenn Albrecht en 2005) qui frappe la société contemporaine. (Voir par exemple cet article du Huffington Post).

II- Avenir et environnement : quels messages portent le cinéma de SF ?

On l'a vu, l’avenir écologique de la planète apparaît le plus souvent imaginé dans le registre dystopique avec une message alarmiste ou pessimiste. En réalité la situation est plus complexe....

A) Etude de cas : Avatar de James Cameron

1) Le film

Avatar a été réalisé par James Cameron en 2009. Ce film se lit à plusieurs niveaux : comme métaphore de l'histoire et des mythes des Etats-Unis ; comme dénonciation de l'impérialisme et, ce qui nous intéresse ici, comme parabole écologique.

2) Le message écologique d'Avatar

La Terre n'est pas montrée dans le film mais on sait (surtout par le synopsis détaillé et le descriptif des scènes coupées) qu'elle est surpeuplée, polluée et terriblement dégradée. Pandora est donc conçue comme un contre-modèle à cette Terre. Les Na'vis, dans leur relation avec leur milieu, sont dans l'intime et le spirituel. James Cameron donne ainsi un écho à l'hypothèse Gaïa (dans le film c'est Heywa) et donne aux humains une certaine responsabilité morale vis à vis des formes de vie et de culture.

Le film dénonce l’extractivisme (lien) forcené. Ce thème se retrouve dans des films de SF récent comme Oblivion (Joseph Kosinski, 2013) où l'eau de la Terre est pompée par des extraterrestres ou encore dans Man of Steel (Zack Snyder, 2013) dont le début est une évocation à peine voilée de la fracturation puisque Krypton menace d'exploser après que le conseil dirigeant ait décidé de percer le cœur de la planète pour accéder à l'énergie de son noyau.

Oecumenopolis TRANTOR, une vision par l'artiste Alexander Sköld

B) Quel portée pour les messages écologiques des films de SF ?

Aux États-Unis, un sous-genre de la SF est née dans les années 2000, la cli-fi, pour « climate fiction », terme inventé par le journaliste Dan Bloom en 2008. Les romans et les films qui incarnent ce genre fonctionnent, on l'a vu, sur l'heuristique de la peur... mais ce serait réducteur que de les cantonner à cette simple fonction.

1) L'heuristique de la souciance

Les œuvres de SF dont nous avons déjà parlées problématisent en fait la question de l'habitabilité de la Terre en créant des mondes suffisamment réalistes et chargés d'émotions pour qu'ils nous poussent à réfléchir à cette question mais aussi des mondes suffisamment distants pour que cette réflexion soit apaisée. Elles nourrissent donc notre pensée écologique... mais comment ? Au delà de la peur les films de SF portent des messages, souvent d'ordre moral, sur les nécessaires changements de comportements, individuels ou collectifs. On parle alors d'une heuristique de la souciance.

Ce discours de la souciance peut être ambigüe d'ailleurs. Ainsi Le jour où la Terre s’arrêta de Scott Derrickson (2008) est le remake opportuniste du film éponyme de 1951. Pourquoi opportuniste ? Le film surfe sur la vague écologiste des années 2000 en substituant à la menace nucléaire la dégradation de l'environnement et en substituant au discours humaniste et pacifiste de Klatu-Michael Rennie un discours écolo-moralisateur de Klatu-Keanu Reeve. Il s'agit là d'une souciance éco-financière, partant sûrement d'un bon sentiment mais gâchée par ce discours pesant.

2) Les ambivalences de la dystopie climatique

On peut alors se demander si récits de catastrophe écologique n'ont pas des impacts contradictoires. En examinant dans les parties précédente de cet article les fonctions de ce cinéma de la dystopie écologique nous avons mis en évidence une fonction d’alerte qui, en montrant et amplifiant les problèmes, vise à dénoncer et faire agir (fonction militante). Mais on peut voir 2 autres impacts pour ces films :

ils peuvent aussi déresponsabiliser en montrant effectivement les problèmes mais sans analyser les origines, réduisant la crise écologique à un simple spectacle moralisateur ;
ils peuvent aussi, en réaction au fait que la société contemporaine n'est pas encore détruite « comme dans le film », renforcer l'idée que pour préserver la terre d'un tel sort il faut une réaction d'ordre autoritaire, justifiant ainsi une sorte d'écologie totalitaire ;

Prenons Silent Running (Douglas Trumbull, 1972). Dans un futur indéterminé des dômes spatiaux contiennent des échantillons de nombreuses espèces végétales a fin de conservation car sur le Terre toute végétation a disparu par la faute des humains. A l'annonce de la fin de l'expérience un des botanistes, Lowell (l'excellent Bruce Dern), se révolte et tue ses 3 collègues. Le film pose donc en filigrane 2 problématiques écologiques : la nature est-elle indispensable à l'espèce humaine ? Jusqu'où peut-on aller dans le combat écologique ?

Prenons Interstellar (Christopher Nolan, 2014) : le message écologique est évident mais il semble complètement dépolitisé. En effet la crise climatique (pénurie énergétique et alimentaire ; dust bowl ; etc.) y est vu comme une fatalité (le héros, Cooper, affirme que « la nature ne veut plus de l’homme sur la Terre »). Les mécanismes ayant amené à cet effondrement ne sont pas évoqués. De plus la solution préconisée est d'abandonner la planète (exil pour toute l'humanité vers une planète alternative – plan A – ou bien cryogénisation et ensemencement par des embryons sélectionnés – plan B -). Enfin la solution ultime est dans la science (incarnée dans le film par la NASA). Ces 3 partis-pris dédouanent le spectateur de la compréhension, élément-clé de l'action et lui offrent 2 pistes très discutables : la solution technologique et la Terre de rechange. Les qualités du film sont indéniables et le message écologique réel... mais éminemment critiquable...

Prenons encore les fictions d'exode spatial évoquées précédemment (Passengers, Wall-E, etc.) elles peuvent contribuer à définir une voie de sortie grâce au génie humain et fournir un horizon technologique certes séduisant mais en complet décalage temporel entre le rève spatial qui s'inscrit dans un tel très long et les évolutions de l'habitabilité de la Terre qui s'inscrivent dans un temps bien plus rapide !

Prenons un autre exemple. Dans Jurassic Park (Steven Spielberg, 1993, d'après M. Crichton) la société EnGen fait revivre les dinosaures. Or, il s'avère qu'un courant de la pensée scientifique défend l'idée de la désextinction. Cette théorie, toute bien intentionnée qu'elle soit, en cherchant à effacer « l'erreur humaine fondamentale », reviendrait à effacer les raisons profondes de l'extinction d'espèces animales contemporaines. Heureusement (pourrait-on dire...) dans Jurassic Park la création dévore son créateur... Il ne faut pas trop chercher dame Nature, cela l'agace considérablement.

Conclusion

La catastrophe écologique semble donc l'horizon indépassable de l’humanité : pourquoi paraît-il si difficile de construire un futur désirable ? Ces films dystopiques et alarmistes contribuent à la préparation des esprits à des lendemains désenchantés. A nuancer...

III- Un avenir lumineux (?) : bright science et solarpunk

*** Partie ébauchée, à compléter ***

Des films de SF optimistes... il en existe beaucoup, particulièrement sur le contact avec les extra-terrestres (Premier Contact, E.T. l'extraterrestre, etc.)... mais pas sur le futur écologique de la planète ! On peut certes trouver, au cœur des récits post-apocalypses les plus sombres de l'optimisme car les survivants parviennent, le plus souvent, après bien des péripéties, à s'en sortir : par la foi dans Le livre d'Eli ; par la science dans Interstellar ; par la solidarité dans Mad Max Fury Road ; etc. En gros « tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ».

Récemment une forme de réhabilitation de l'utopie et de l'optimisme est apparue, essentiellement dans la littérature de SF⁽⁵⁾ : on parle même du solarpunk depuis les années 2000. Par contre le cinéma de SF ne s'est pas encore, à ma connaissance, emparé de ce genre.

Conclusion

A la peur de l'holocauste atomique a succédé, à partir des années 80-90 la peur de l'holocauste environnemental. Le point commun des films de SF qui traitent de ce sujet est de montrer le caractère d'insoutenabilité du modèle de développement actuel : finitude des ressources, technologies énergivores, etc. De ce fait le futur est envisagé, au pire comme mortifère, liberticide et inégalitaire, et, au mieux, désespérant ! Ainsi le cinéma de SF n'a pas encore proposé de récits fondés sur un modèle de développement alternatif... trop peu cinégénique sûrement !

Les messages portés par ce cinéma relèvent de l'avertissement, trop souvent moralisateur d'ailleurs. Cette fonction d'alerte a une portée planétaire puisque le cinéma hollywoodien (bien relayé par les séries Télé) s'en est emparé. Par contre on peut être beaucoup plus réservé sur la fonction d'éducation de tels films qui portent très peu d'analyses et offrent trop peu de portes de sortie, hors le courage d'individus combatifs...

Pour finir ne peut-on également s'interroger sur une forme lassitude de l’apocalypse (théorie développée par Per Espen Stoknes) qui rendrait peu efficace le message écologique des films de SF ? Dans ce cas un peu de Positive attitude (cf. Demain le documentaire de Cyril Dion et Mélanie Laurent) dans les prochains films de SF écologique ne pourrait pas faire de mal non ?

Vision d'Eywa (Nialu)

BIBLIOGRAPHIE - WEBOGRAPHIE

Yannick RUMPALA

Yannick Rumpala est maître de conférences en science politique à l'Université de Nice (en savoir plus). Il travaille sur la science-fiction comme outil de compréhension du monde. Il a beaucoup écrit sur écologie et SF.

(Ré)imaginer les normes et sanctions contre les crimes environnementaux par la science-fiction ? Sur l’utopie d’un «conservationnisme autoritaire» et ses ambiguïtés. VOIR.
Penser les espérances écologiques avec la science-fiction. In journée d’étude Les lieux du non-lieu. CSPRP, septembre 2013. VOIR.
Hors des décombres du monde. Ecologie, SF et ethique du futur. Champ Vallon. 2018. Quelques pages ICI. Un compte-rendu complet ICI.
Entre imaginaire écotechnique et orientations utopiques. La science-fiction comme espace et modalité de reconstruction utopique du devenir planétaire. In Revue Quaderni, n°92, 2016. VOIR.
Entretien accordé sur le thème habiter les mondes en préparation. VOIR.
S’évader de la Terre : plan B pour l’anthropocène ? VOIR.
Science-fiction, spéculations écologiques et éthique du futur. In Revue française d’éthique appliquée, n° 2, 2016. VOIR.

BIBLIOGRAPHIE (ouvrages - articles)

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BARREAU, Blandine - DUCOS Géraldine - TEILLANT Aude. La science-fiction, du miroir de nos sociétés à la réflexion prospective. Centre d'Analyse Stratégique, note d'analyse 311, décembre 2012. VOIR.

BOUDOU, Nadine. Des innovations technologiques au monde post-apocalyptique. Enseignements tirés des films de science-fiction. Sur Openscience.fr. VOIR.

BONVOISIN, Daniel. L'écologie au cinéma. VOIR.

Centre d'Analyse Stratégique. Actes du Colloque De la science-fiction à la réalité. 19 décembre 2012. En particulier Préserver notre planète ou en terra-former une autre et les les contributions de Jean-marc LIGNY et Valérie MASSON-DELMOTE. VOIR.

CHELEBOUG, Christian. Les écofictions – Mythologies de la fin du monde. Les impressions nouvelles. 2012. Sur France Culture une émission de la série Mauvais Genres du 5 mai 2012. VOIR.

ENGELIBERT, Jean-Paul. Fabuler la fin du monde : la puissance critique des fictions d'apocalypse. Ed. La Découverte. 2019. Ecouter l'émission de France Culture La suite dans les idées de Sylvain Bourmeau du 02 novembre 2019 sur ce sujet.

FODOR, Ferenk et BRUNETIERE, Valérie. Climat d’angoisse. L’imaginaire du changement climatique. Les 2 encres. 2011.

GENDRON, Corinne et AUDET, René. L’environnement au prisme de la science-fiction. De la dystopie à la reconstruction du rapport homme-nature dans les sociétés postécologiques. Revue Futuribles, n°413.

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MUSSET, Alain. Le Syndrome de Babylone, géofictions de l’apocalypse. Armand Colin, 2012.

REGARDER - ECOUTER

LETHBRIDGE, Chris. Le futur au présent. Documentaire de 1997. VOIR.

ARTE, La Grande table (Olivia Gesbert et Chouchane Djergaian). Les fictions climatiques vont-elles sauver la planète ? 18 janvier 2019. ECOUTER.

Festival des Intergalactiques de Lyon, édition 2014. Deux conférences dans le cadre de ce festival : L'écologie dans le cinéma de science-fiction avec C. CHELEBOURG, Jp ANDREVON, F. THEUREL (VOIR) et L'écologie dans la saga Dune avec L. GENEFORT, A. BRUSEIS, G. HERPE (VOIR)

MESHS, conférence Ecologie et science-fiction avec Pierre-Henri CASTEL et Yannick RUMPALA. 21/03/2019. VOIR.

EN VRAC SUR LE WEB

ARTE, émission Tracks, 5 septembre 2018. Le Solarpunk, une cure de soleil contre la fin du monde. VOIR.

BRUNEL, Camille. Pourquoi la science-fiction raffole des dictatures écologiques. Sur le site Usbek&Rica. VOIR.

COULE , Clement. La science-fiction va-t-elle nous sauver de l’apocalypse climatique ? Sur le blog Lvsl. VOIR.

CANOVILLE, Anne et COLSON, Raphaël. Présentation de l'édition 2019 du festival Les Intergalactiques sur le thème Futurs Post-Apocalyptiques, Miroir (des peurs) du temps qui passe. VOIR.

COUVELAIRE, Louise. Le cataclysme fait couler de l'encre. Le Monde. VOIR.

HAMILTON, Jennifer. Pourriez-vous être un solarpunk radical optimiste ? VOIR.

LUCCHESE, Vincent. Notre « lassitude de l'apocalypse » nous empêche-t-elle de sauver le climat ? Sur le site Usbek&Rica. VOIR.

PAGES, Arnaud. Cli-Fi : des fictions pour prendre conscience du péril climatique. Sur le site Usbek&Rica. VOIR.

Sur le blog ZonesSubversives. Ecologie et science-fiction. VOIR.

Une liste de 20 éco-films sur le blog Dragonfly.

A PROPOS D'AVATAR

AUGE, Etienne. Avatar, pas très écolo. Sus Slate.fr.

A PROPOS DE SILENT RUNNING

Sur DVDClassik, une critique. VOIR.

A PROPOS DE PASSENGERS

Une analyse de Yohan DEMEURE. VOIR.

A PROPOS DE SOLEIL VERT

Sur le site Usbek&Rica. Faut-il (re)voir Soleil vert ? VOIR.
Une analyse du Monde. VOIR.
Sur DVDClassik, une critique. VOIR.

A PROPOS D'INTERSTELLAR

Une critique sur le blog Lecinemaestpolitique. VOIR.

How to transform apocalypse fatigue into action on global warming | Per Espen Stoknes (TED_Tv)